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Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - Crépuscule - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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téléphone.
    Quand Sarah était sortie il venait au mas. Je l’attendais près des figuiers, dans l’odeur entêtante et sucrée des fruits laiteux. J’écoutais gonfler le bruit de sa moto dans la moiteur repue des débuts d’après-midi.
    Il était là, Claude, écartant les lourdes feuilles, un tricot blanc moulant son torse, le cou brun, droit. Je lui prenais la main pour le conduire mais il m’attirait à lui et nous restions un long moment debout au milieu des arbres, incapables de nous séparer. Je répétais : « Viens, viens. » Il m’embrassait encore avec tant de fougue que j’en avais le menton irrité, sa barbe drue rougissant ma peau.
    Je l’entraînais. Nous nous glissions le long du mur jusqu’à la porte de la cuisine qui est au nord, du côté de la falaise.
    « Tu es seule ? » interrogeait-il à voix basse.
    La peur d’être surprise, mon audace, redoublaient mon plaisir. Quand je fermais la porte de ma chambre à clé, que je me retournais, que je voyais Claude debout près de mon lit, j’étais si émue, si ravie – au sens où le sont les enfants quand ils s’émerveillent – que je devais reprendre mon souffle. Il était sur mon territoire je le sentais inquiet. Moi – les craquements du plancher, les battements d’un volet, l’aboiement du chien dans le mas d’en haut – tout m’était familier. Il était pris dans les rets de mes habitudes. À moi. J’étais dans ma chambre, audacieuse et avide. Je lui donnais des ordres, je le rassurais : « Sarah ne rentrera pas », puis pour mieux le tenir j’ajoutais : « Si elle arrive, ça n’a pas d’importance, elle est comme une amie. »
    Il était assis sur le lit, torse nu déjà et je caressais son dos. Il me regardait. J’aimais sa frayeur.
    « … Je souhaite même qu’elle nous surprenne, tu pourrais passer toutes les nuits ici, elle serait d’accord, j’en suis sûre. »
    Il hésitait.
    « … Tu plaisantes », disait-il.
    Je secouais la tête, mes mains autour de sa taille, sur la boucle de sa ceinture, le long de cette double épaisseur de tissu. Je le forçais à s’allonger. La tête et le dos sur mon lit, les jambes ballantes, le corps comme un arc.
    De ces après-midi, me reste le souvenir de la sueur que je sentais perler entre mes seins, glisser de mes aisselles le long des bras, s’insinuer entre mes paupières et provoquer ce picotement des yeux ; me reste cette brûlure au-dessus du sexe, parce que Claude et moi nous étions maigres comme le sont les jeunes gens et que nos peaux étaient tendues, irritées à force de se heurter ; me reste quand nous nous séparions cette sensation d’arrachement, nos corps moites qui se quittaient avec un bruit de lèvres humides qui s’écartent.
    Nous nous séchions dans l’air de la vitesse, dans la descente vers la côte et nous courions au milieu des gerbes vers le sel bleu de la mer.
    Quand Sarah restait au mas, je rejoignais Claude au premier tournant de la route qui se dirige vers le plateau de Saint-Vallier. Lui, alors, était le maître.
    « … Grimpe, grimpe. »
    D’une détente nerveuse de la jambe et de la hanche, il remettait la moto en marche. Nous montions toujours plus haut vers les plateaux pierreux qu’interrompent les vasques vertes des dolines, amphithéâtres naturels où la terre est meuble, l’herbe drue et où se dressent, vestiges rugueux, des châtaigniers noueux comme des vieillards et les bories des bergers. Claude aimait ces constructions de pierre. Il ramassait de l’herbe. Il en faisait un lit. Il disait :
    « … En Grèce aussi, les bergers… »
    Il me déshabillait, l’herbe griffait mon dos et son odeur dans la fraîcheur des pierres m’enivrait.
    Nous redescendions à la nuit, la lune haute dans le ciel encore clair.
    C’était l’été.
    Je rentrais, j’embrassais Sarah, elle soulevait mes boucles :
    « … Tu as chaud, disait-elle, avec ces cheveux. »
    Je m’éloignais vite, montant en courant l’escalier.
    « Je prends un bain. »
    Elle s’étonnait, riait.
    « Encore. »
    Puis après un moment qui me paraissait court, elle m’appelait, entrouvrait la porte de ma chambre. Je protestais, je n’étais pas prête. J’avais besoin avant de la retrouver de calmer mon corps, de l’observer aussi. Il me semblait que mes seins avaient grossi. Je me regardais, je pressais mes seins dans mes paumes, j’en effleurais la pointe. J’aurais aimé les embrasser. Je jouais avec mes

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