Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
l’officier.
    — Bravo, camarade officier, le responsable bolchevique du barrage du Dnieprosk te salue au nom des ouvriers du chantier.
    Il secoua plusieurs fois la main de l’officier. On lui donna l’accolade, l’accompagna jusqu’au train.
    — Vive la Patrie des Soviets, cria l’officier comme le convoi s’ébranlait.
    Kostia ne répondit pas, regarda l’horizon incendié.
    Il resta ainsi longtemps. Les champs se déroulaient bruns et roux, parfois sur une route trois ou quatre charrettes chargées de paquets et de meubles. Des femmes suivaient, ne levant même pas leur tête quand passait le train et Kostia ne voyait d’elles que ce foulard qui enveloppait les cheveux.
    Révolution malade.
    Kostia avait envie de se laisser glisser le long de la paroi du wagon, de s’endormir comme tous ces voyageurs serrés dans le couloir, appuyés à leurs ballots, emportés comme les branches par le fleuve. Il les observa : des femmes, des vieux qui fuyaient la campagne livrée aux réquisitions. Au bout du couloir, coincé contre la porte qui fermait le passage vers le wagon suivant, Kostia aperçut, debout, un gosse d’une dizaine d’années, le torse presque nu tant sa chemise de toile écrue était déchirée. Il avait les cheveux roux, la peau du visage brune : un enfant de la campagne. Il somnolait, la tête appuyée à la porte. Tout à coup, il se réveilla et à son regard, Kostia comprit que l’enfant était seul, enfui sans doute de l’un de ces villages dont les soldats chassaient les habitants avant de collectiviser par la force leurs terres.
    Révolution morte qui persécutait ceux qui l’avaient permise.
    L’enfant vit que Kostia l’observait et il commença à lancer des coups d’œil autour de lui, cherchant une voie pour s’échapper. Mais pour se déplacer, il fallait enjamber les corps des dormeurs. La porte était bloquée de part et d’autre par des valises. L’enfant écarta les bras, les doigts de ses mains tendus, collés aux vitres. Il s’immobilisa regardant fixement Kostia Loubanski.
    Kostia commença d’avancer vers lui sans le quitter des yeux. Il essayait de lui dire avec seulement l’expression de son visage : « Ne crains rien, je ne suis pas un ennemi, je viens vers toi pour t’aider. » L’enfant fermait ses mains et quand Kostia fut devant lui, ayant enjambé le dernier voyageur, l’enfant, les poings levés, se précipita contre la poitrine de Kostia, le frappant du front et des mains, tentant de le mordre au visage, si bien que Kostia perdit l’équilibre, tomba en entraînant le gosse, en le gardant serré contre lui.
    Les voyageurs écrasés lancèrent quelques jurons, puis ils se tassèrent davantage, et Kostia, tenant le gosse par le cou, resta assis le dos appuyé à la porte du wagon. Il commença à caresser les cheveux de l’enfant, à murmurer lentement :
    — D’où es-tu ?
    Le gosse ne bougeait plus. Kostia continua de chuchoter, parlant autant pour lui-même que pour cet enfant qui ne répondait pas. « Tu n’as connu que ce qui est noir, disait Kostia, tu as vu le feu et les hommes cruels, tu les as vus n’est-ce pas ? Écoute-moi, les hommes, les jours ne sont pas tous comme ceux que tu as subis. Tu t’appelles comment, garçon ? »
    Le gosse leva la tête, enfin. Yeux rougis par les larmes, peau couverte de sueur, de terre et de morve.
    — Ton nom ? demanda à nouveau Kostia.
    — Marek Krivenko.
    Il posa son front sur la poitrine de Kostia Loubanski et s’endormit.
    Il faisait déjà froid à Leningrad. Kostia avait pris la main de Marek. Le gosse était pieds nus et se collait contre Kostia quand celui-ci s’arrêtait afin de laisser passer les tramways.
    La vieille Petrograd semblait à Kostia grise. Des drapeaux et des banderoles pendaient à quelques façades, délavés déjà, le rouge terni, les lettres blanches noircies par les premières pluies.
    Grise Leningrad. Les rues, silencieuses malgré la foule. Quelques flâneurs sur le pont Anichkof, accoudés au parapet, à regarder la Neva brune des orages de la fin de l’été.
    Kostia souleva Marek, l’assit sur le parapet, lui montra les façades à colonnades, le fleuve.
    — Le cœur de ton pays, dit-il.
    Il avait passé son bras autour de la taille de Marek et il était ému de sentir que l’enfant se détendait peu à peu. Kostia commença à raconter comment un jour d’octobre 17, le croiseur Aurora s’était embossé face au Palais d’Hiver. Puis

Weitere Kostenlose Bücher