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Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I

Titel: Les hommes naissent tous le même jour - L'aurore - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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veulent-ils ? demandait Kostia à Probichev. Ils savent bien que je ne suis pas dupe de leur invitation, des mondanités.
    — Vous flairer, camarade Loubanski. Un chien chasse mieux quand il a flairé la trace du gibier.
    Probichev souriait rarement, visage mou, tête ronde de chauve, quelques cheveux très blonds au-dessus des oreilles, des lunettes cerclées d’acier qu’il relevait parfois sur le front, qu’il nettoyait méticuleusement. Un de ces hommes du N.K.V.D . qu’on transformait en diplomate, qui surveillait le personnel de l’ambassade, devant qui l’ambassadeur Naiski lui-même baissait les yeux : « Qu’en pensez-vous, Probichev ? » interrogeait-il sans cesse lors des conseils hebdomadaires qui rassemblaient dans son bureau le deuxième secrétaire, l’attaché militaire, et Kostia. Probichev regardait Naiski écarquillant les yeux avec naïveté. « Ce n’est pas dans mes attributions », répondait-il. « Le camarade Loubanski – il se tournait vers Kostia – connaît beaucoup mieux ces problèmes, le Komintern…»
    Se dérober, guetter, puis bondir à la gorge quand le maître en donne l’ordre. Kostia connaissait bien le comportement des Probichev.
    Kostia avait été chargé, en 1929, dans la région du Dniepr, d’organiser les travailleurs mobilisés pour la construction du grand barrage hydroélectrique qui alimenterait une partie de la Russie d’Europe. L’enthousiasme. Les calicots tendus sur les échafaudages, répétaient la phrase de Lénine : Le communisme c’est l’électrification plus les soviets. Le soir dans les baraques construites au milieu des clairières, Kostia parlait des générations futures : « Nous, camarades, nous, nous sommes les fondations, nous avons les pieds dans la boue, mais nos enfants, camarades, ils seront debout sur nos épaules…»
    Doubler le rendement des équipes pour que le ciment soit coulé avant l’automne et le gel.
    Les barres de fer brusquement manquèrent. Les wagons arrivaient vides de Leningrad. Le travail était arrêté sur le chantier. Les ouvriers allongés sur la grève, au bord du Dniepr, lançaient des pierres dans le fleuve. Les nuages commençaient à apparaître, lentes poussées grisâtres qui venaient du nord-ouest. Bientôt la pluie, la neige, le ciment qu’il faudrait chauffer, le vent qui secouerait les échafaudages.
    Les barres d’acier étaient étirées à l’usine Ogirov, la vieille citadelle ouvrière de Petrograd. Kostia Loubanski décida de s’y rendre : « Nos camarades, expliquait-il, doivent – il répétait ce mot, l’appuyait d’un geste des poings – doivent fabriquer ce dont nous avons besoin. Nous sommes ici aux avant-postes. »
    Il traversa la Russie de l’été 1930, le train roulant lentement – la voie souvent interrompue par des travaux –, vers Leningrad.
    Plusieurs fois les voyageurs durent descendre de wagon, franchir à pied quelques kilomètres, traverser un village, attendre un autre convoi. Kostia découvrit, cet été-là, les enfants en haillons, les femmes qui se tenaient accroupies sur les talons devant la porte des isbas. Famine et dans les yeux, la soumission et la crainte.
    Des soldats du N.K.V.D . montaient la garde autour des gares. La plupart des voyageurs les ignoraient, s’asseyant sur leurs valises ou leurs baluchons, ne semblant même pas voir ces fumées rougeâtres d’un incendie qui, au-dessus des blés fauves, voilaient l’horizon.
    Kostia Loubanski s’approcha de l’officier, un homme jeune à tête de paysan, la vareuse tachée, l’étui de revolver dégrafé, la crosse à demi sortie.
    — Qu’est-ce que c’est, camarade ?
    Loubanski, d’un mouvement de tête, montrait l’horizon. L’officier du revers de la main s’épongea le front.
    — Ces salopards brûlent leurs moissons, dit-il. Ils préfèrent ça plutôt que de livrer le grain.
    — Salopards, répéta Kostia à voix basse.
    L’officier le regarda avec suspicion, fit quelques pas pour se donner de l’assurance, revint vers Kostia.
    — Les Koulaks, dit-il, les riches, tu comprends, et il y a tous ceux qui les aident dans les villes, les trotskistes.
    Des soldats s’étaient approchés, entourant leur officier. Loubanski savait qu’il suffisait d’un mot, d’un geste maladroit pour que les hommes en groupe deviennent enragés. Il n’avait pas combattu en vain durant la guerre civile quand chaque homme pouvait être loup.
    Il avança la main tendue vers

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