Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
la désolation assez
parfaite, il écrit au marquis de Feuquières : « Le roi a
appris avec plaisir ce qui s’est passé dans la vallée de Luzerne,
dans laquelle
il eût été seulement à désirer que vous eussiez
fait
,
brûler tous les villages où vous avez
été
. »
Louvois avait déjà donné de semblables ordres
dans le Palatinat. Un jour, apprenant que les troupes se sont
contentées de brûler seulement à moitié, une ville, il ordonne
de brûler tout jusqu’à la dernière maison
et enjoint de
lui faire connaître les officiers qui ont ainsi failli à la
ponctuelle exécution des volontés du roi,
afin qu’ils soient
punis d’une façon exemplaire
.
Un autre jour, il apprend que les habitants
d’une autre ville, qui a été complètement détruite conformément à
ses instructions, s’obstinent à venir chercher un gîte au milieu
des ruines, il écrit : « Le moyen d’empêcher que ces
habitants ne s’y rétablissent, c’est après les avoir avertis de ne
point le faire,
de faire tuer
tous ceux que l’on trouvera
vouloir y faire quelque habitation. »
Ce n’était pas en donnant de semblables
instructions, que Louvois pouvait faire disparaître les habitudes
invétérées de banditisme de l’armée royale, tout au
contraire ; il n’est donc pas surprenant que le jour où il se
décida à ordonner aux soldats logés chez les huguenots, de faire
tout le désordre possible
, pour amener la conversion de
leurs hôtes, il ne fût d’avance déterminé à fermer les yeux sur les
actes les plus odieux et les plus violents de ses
missionnaires
bottés
, ainsi qu’on les appelait.
Mais il était trop politique pour ne pas
masquer le but qu’il poursuivait et pour vouloir que la persécution
prît au début le caractère qu’elle avait eue en Hongrie, en
1672 : « Les jésuites, menant avec eux des soldats,
surprenant chaque village, et convertissant le hongrois qui voyait
sa femme sous le fusil… des ministres brûlés vifs, des femmes
empalées au fer rouge, des troupeaux d’hommes vendus aux galères
turques et vénitiennes. » (Michelet).
C’est au commencement de l’année 1681, que
Marillac, intendant du Poitou, soumit à Louvois son plan de
convertir les huguenots en logeant exclusivement chez eux les
troupes et lui demanda d’envoyer dans le Poitou des soldats pour
mettre à exécution ce plan que le hasard ou sa malice, dit Élie
Benoît, lui avait fait découvrir.
Louvois comprit que, pour reprendre dans
l’État le rôle prépondérant qu’il avait perdu depuis que les
affaires de religion avaient fini par prévaloir sur toutes les
autres dans l’esprit du roi, c’était un excellent moyen, ainsi que
le disent les lettres du temps,
de mêler du militaire
à
l’affaire des conversions. Mais, il jugea nécessaire de dissimuler
qu’il voulait obtenir par la violence, la conversion des huguenots,
tout au moins jusqu’au moment où l’importance des résultats déjà
acquis, empêcherait de pouvoir revenir en arrière. – C’est
pourquoi, après avoir fait signer au roi une ordonnance, exemptant
pendant deux ans du logement des gens de guerre les huguenots qui
se convertiraient, il se borne à obtenir la permission de faire
passer dans les villes huguenotes des régiments dont la seule
présence amènerait des conversions. En effet, disait-il, si les
huguenots se convertissent pour toucher une pension ; ou une
faible somme d’argent, ils seront encore plus disposés à abjurer
pour éviter quelque incommodité dans leurs maisons et quelque
trouble dans leurs fortunes.
En envoyant à Marillac, l’ordonnance et les
troupes qui vont lui permettre de mettre son plan à exécution,
Louvois multiplie les précautions pour dissimuler l’existence même
de ce plan.
« Sa Majesté, écrit-il, à Marillac, a
trouvé bon de faire expédier l’ordonnance que je vous adresse, par
laquelle elle ordonne que ceux qui se seront convertis, seront,
pendant deux années, exempts du logement des gens de guerre. Cette
ordonnance
pourrait causer beaucoup de conversions dans les
lieux d’étape…
« Elle m’a commandé de faire marcher, au
commencement du mois de novembre prochain, un régiment de cavalerie
en Poitou, lequel sera logé,
dans les lieux que vous aurez pris
soin de proposer entre ci et ce temps-là
, dont elle trouvera
bon que le grand nombre soit logé chez les protestants ; mais
elle n’estime pas
qu’il faille les y loger tous ;
c’est-à-dire que
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