Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
malheureux, devenus si peu soucieux de leur liberté,
un équipement complet et une somme de mille francs pour les mettre
à l’abri de la misère qu’ils redoutaient.
On le voit, c’est presque à la veille de la
révolution que sortirent du bagne les deux dernières victimes de
l’odieuse législation de Louis XIV, impitoyablement appliquée
pendant un siècle.
Louis XIV avait mis en prison, à l’hôpital ou
au couvent, expulsé ou transporté en Amérique les
opiniâtres
qui persistaient dans les erreurs d’une
religion que, écrivait-il au duc de la Force,
je ne veux plus
tolérer dans mon royaume.
Il avait envoyé aux galères tout huguenot qui
avait tenté de passer à l’étranger, assisté à une assemblée de
prières, ou rétracté l’abjuration que la violence lui avait
arrachée. Pour compléter le tableau de cette odieuse croisade faite
par le roi très chrétien contre la liberté de conscience de ses
sujets, il ne me reste plus qu’à raconter ce que furent les
exhortations données aux huguenots par ses soldats, qu’à faire la
lamentable histoire des dragonnades.
Chapitre 5 LES DRAGONNADES
Ce qu’était l’armée
.
– Les
logements militaires
.
– Les dragonnades
.
– L’édit
de révocation
.
– Expulsion des ministres
.
– Un
article de l’édit de révocation
.
– Pillage
.
–
Violences
.
– Tortures
.
– Les coupables et les
Loriquet du XIX e siècle
.
– L’exode des
huguenots.
Sous Louis XVI, l’armée royale n’était qu’un
ramassis de bandits, provenant soit de la milice, soit du
recrutement. Pour la milice, les communes donnaient tous les
mauvais sujets, tous les vagabonds dont elles voulaient purger leur
territoire, et les officiers recruteurs acceptaient sans difficulté
le pire des vauriens, pourvu qu’il fût robuste et vigoureux. Pour
le recrutement, opéré par violence ou par ruse, c’était une
véritable chasse à l’homme que faisaient les recruteurs, par les
rues et les grands chemins, dans les cabarets, les tripots et les
prisons même. Le résultat de cette chasse à l’homme était de
convertir en recrues pour l’armée royale, des gens de sac et de
corde, des voleurs, des évadés du bagne. Un jour, une chaîne de
quatre-vingt-dix-neuf forçats a la chance de se trouver sur le
passage du roi ; par suite de cette heureuse rencontre, cette
centaine
d’honnêtes gens
, au lieu d’être conduits aux
galères, sont incorporés pour six ans dans l’armée du roi. Un autre
jour c’est le contrôleur général qui, à un intendant lui demandant
les ordres nécessaires pour faire conduire au bagne des bohémiens
condamnés aux galères, répond de tenir dans les prisons
d’Angoulême, tous ceux d’entre les condamnés qui peuvent porter les
armes, jusqu’à ce qu’il passe une recrue à laquelle ils seront
joints. Sur les extraits d’interrogatoire de Bicêtre, on trouve un
avis favorable à la demande de prendre parti dans les troupes faite
par
Adam
,
scélérat de premier ordre
,
fameux
fripon
,
chef de filous
. – Cette promiscuité étrange
entre les prisons, le bagne et l’armée, semblait chose si naturelle
qu’il était de règle, de donner aux déserteurs et aux réfugiés la
faculté d’opter entre les galères et le service militaire.
Ainsi, par exemple, les réfugiés Lebadoux et
Jean Bretton, faits prisonniers, s’engagent dans l’armée pour
éviter les galères. Perrault est condamné aux galères pour
émigration, l’intendant de Franche-Comté écrit au ministre :
« Comme il est d’ailleurs jeune et bien fait, si Sa Majesté
jugeait à propos de commuer sa peine, en celle de le servir pendant
un temps dans ses troupes, il lui serait plus utile comme soldat
que comme galérien. »
On comprend ce que pouvait valoir une armée
composée de tels éléments ; qu’elle fût campée en France ou en
pays ennemi, suivant l’énergique expression du temps,
elle
mangeait le pays
; quant à l’habitant, il était à la
discrétion du soldat qui pouvait impunément piller, battre, voler,
violer et maltraiter ses hôtes. – Que se passe-t-il, en Bretagne,
lorsqu’en 1675, on a amené, par de bonnes paroles à se disperser
ceux qui s’étaient soulevés à la suite de l’établissement de taxes
excessives et illégales ? Les troupes entrent dans la province
et, disent les relations du temps, « les soldats jettent leurs
hôtes par la fenêtre après les avoir battus, violent les femmes,
lient des
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