Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
enfants tout-nus sur les broches pour les faire rôtir,
brûlent les meubles, etc. »
Nous n’avons pas besoin de rappeler les scènes
de la désolation des provinces du midi ordonnée en 1683 par
Louvois, ni les horreurs commises pendant la guerre des Cévennes
par les soldats du roi.
Mais, pour juger de ce que pouvaient faire de
tels bandits, il n’est pas inutile de rappeler leurs exploits à
l’étranger, en Hollande et dans le Palatinat, avant les
dragonnades ; en Savoie, après cette croisade à l’intérieur.
Quel spectacle l’armée du grand roi donne-t-elle en
Hollande ?
« Trois cent mille gueux, dit Michelet,
sans pain, ni solde, jeûnant il est vrai, mais s’amusant, pillant,
brûlant, violant. Les soldats, sans frein ni loi, par-devant les
officiers faisaient de la guerre royale une jacquerie populaire en
toute liberté de Gomorrhe. »
Que se passe-t-il encore quelques années plus
tard, quand l’armée de Louis XIV se présente devant Heidelberg,
ville ouverte et après que la population valide s’est enfuie, en
s’écrasant aux portes, dans le château dont le gouverneur a fait
enclouer les canons ?
Les faibles, les dames et les enfants refoulés
dans la ville, s’entassent dans les églises. Le soldat entre sans
combat, et, à froid, il tue parfois un peu, puis bat, joue et
s’amuse, met les gens en chemise. Quand ils entrent dans les
églises et voient cette immense proie de femmes tremblantes,
l’orgie alors se rue, l’outrage, le caprice effréné. Les dames,
leurs enfants dans les bras, sont insultées, souillées par les
affreux rieurs et exécutées sur l’autel. Près de ces demi-mortes,
laissées là, la joyeuse canaille fait sortir les vrais morts, les
squelettes, les cadavres demi-pourris des anciens Électeurs.
Effroyable spectacle ! « Ils arrivent dans leurs
bandelettes, traînés la tête en bas… »
En 1685, alors que les dragonnades touchent à
leur fin en France, Louis XIV envoie quelques milliers des étranges
missionnaires qui viennent de convertir les huguenots, pour
débarrasser son allié le duc de Savoie des hérétiques des vallées à
Pignerol.
Déjà les hommes en état de combattre, désarmés
à la suite de perfides négociations, avaient été entassés dans les
prisons de Turin, où la peste les avait presque tous emportés.
L’armée française, en arrivant sur le
territoire de la Savoie, ne trouve donc devant elle aucun
combattant, elle n’a d’autre chose à faire que de massacrer.
« Restent, dit Michelet, les femmes, les
enfants, les vieillards que l’on donne aux soldats. Des vieux et
des petits, que faire, sinon les faire souffrir ? On joua aux
mutilations, on brûla méthodiquement, membre par membre, un à un, à
chaque refus d’abjuration. On prit nombre d’enfants, et jusqu’à
vingt personnes, pour jouer à la boule, jeter aux précipices…On se
tenait les côtes de rire à voir les ricochets ; à voir les uns
légers, gambader, rebondir, les autres assommés comme plomb au fond
des précipices tels accrochés en route aux rocs et éventrés, mais
ne pouvant mourir, restant là aux vautours. Pour varier, on
travailla à écorcher un vieux, Daniel Pellenc ; mais la peau
ne pouvant s’arracher des épaules, remonta par-dessus la tête. On
mit une bonne pierre sur ce corps vivant et hurlant, pour qu’il fît
le souper des loups. Deux sœurs, les deux Victoria, martyrisées,
ayant épuisé leurs assauts, furent, de la même paille qui servit de
lit, brûlées vives. D’autres, qui résistèrent, furent mises dans
une fosse, ensevelies. Une fut clouée par une épée en terre, pour
qu’on en vînt à bout. Une, détaillée à coups de sabre, tronquée des
bras des jambes, et ce tronc informe fut violé dans la mare de
sang »
Élie Benoît dit de son côté : « Ils
pendaient et massacraient les femmes comme les hommes ; mais
ils violaient ordinairement les femmes et les filles avant de les
tuer, et après cela, non contents de les assommer, ils
leur
arrachaient les entrailles
, ils les jetaient dans un grand
feu ;
ils les coupaient en morceaux et s’entrejetaient ces
reliques de leur fureur
. »
Après les massacres, la dévastation
impitoyable du pays.
Catinat écrit à Louvois : « Ce pays
est
parfaitement désolé
, il n’y a plus du tout ni peuple,
ni bestiaux, j’espère que nous ne quitterons pas ce pays-ci, que
cette race des Barbets n’en soit
entièrement
extirpée.
» Louvois ne trouve pas
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