Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
permettait qu’on signifiât
à tous les consistoires l’avertissement pastoral du clergé invitant
les protestants à se convertir au plus tôt et en cas de refus de le
faire les menaçant ainsi : « Vous devez vous attendre à
des malheurs incomparablement plus épouvantables et plus funestes
que ceux que vous ont attirés jusqu’à présent votre révolte et
votre schisme. »
En 1683 et en 1684, Louvois fut occupé à
porter
la désolation
dans les provinces du Midi, où, à la
suite de la fermeture arbitraire de la plupart des temples, les
huguenots avaient commis
le crime
de reprendre l’exercice
de leur culte
sous la couverture du ciel ;
mais il
n’avait pas renoncé au projet de convertir tous les huguenots de
France au moyen des logements militaires. « On voit, dit
Rulhières, par les lettres de Louvois conservées au dépôt de la
guerre, qu’il prenait de secrets engagements pour renouveler à
quelque temps de là, en Poitou et dans le pays d’Aunis, l’essai de
convertir les huguenots par le logement arbitraire des troupes,
lorsqu’un
événement inattendu
précipita toutes ses
mesures. »
Cet événement
inattendu
, c’est
l’emploi fait dans le Béarn, par l’intendant Foucault, pour la
conversion des huguenots, d’une armée toute entière, amenée sur les
frontières de l’Espagne en prévision d’une guerre, et devenue
disponible, par suite d’un changement de politique.
Tout ce que peut imaginer la licence du
soldat, dit Rulhières, fut exercé contre les calvinistes et, en
quelques semaines, la province toute entière fut convertie.
En contant ce
miracle
opéré,
disait-il, par la grâce divine ; le
Mercure
ne
craignait pas d’ajouter : « ce qui a achevé de convaincre
les protestants du Béarn, ce sont les moyens
paternels et
vraiment remplis de charité
, dont Sa Majesté se sert pour les
rappeler à l’Église. »
Louvois en apprenant la rapide conversion du
Béarn où, dit-il, les troupes viennent de
faire
merveilles
, ne s’inquiéta plus de savoir si l’on pourra
qualifier de
persécution
, les
exhortations
que
les soldats font aux huguenots pour les convertir.
Il écrit à Boufflers de se servir des troupes
qui viennent de catholiciser le Béarn, pour essayer,
en logeant
entièrement les troupes chez les huguenots
, de procurer dans
les deux généralités de Montauban et de Bordeaux un aussi grand
nombre de conversions qu’il s’en est fait en Béarn. Craignant que,
sans miracle
, il ne puisse le faire, il lui recommande de
s’attacher seulement à diminuer le nombre des huguenots, de manière
à ce que, dans chaque communauté, il soit deux ou trois fois
moindre que celui des catholiques.
Contrairement aux prévisions de Louvois,
le miracle
du Béarn se reproduit partout, c’est par corps
et par communautés que se font les abjurations, et de grandes
villes huguenotes se convertissent en quelques heures. Boufflers,
après avoir catholicisé les généralités de Montauban et de
Bordeaux, a le même succès en Saintonge. De Noailles qui avait
d’abord demandé jusqu’à la fin de novembre pour convertir le
Languedoc, où l’on comptait deux cent cinquante mille huguenots,
écrit bientôt qu’à la fin d’octobre,
cela sera
expédié.
Dans une lettre qu’il écrit d’Alais, il se
plaint que les choses aillent trop vite, « je ne sais plus,
dit-il,
que faire des troupes
, parce que les lieux où je
les destine, se convertissent tous généralement ; et cela
si vite
que, tout ce que peuvent faire les troupes, c’est
de coucher
une nuit
dans les lieux où je les
envoie. » Comment le
miracle
ne se fût-il pas
reproduit ? Non seulement les soldats envoyés dans une
localité étaient logés exclusivement chez les huguenots, mais à
mesure que les conversions se multipliaient, ils refluaient tous
chez les opiniâtres, qui se trouvaient parfois avoir jusqu’à cent
garnisaires sur les bras. Si le chef de famille cédait, il fallait
qu’il fît aussi céder ses enfants ; si au contraire, il
voulait s’opiniâtrer alors que sa femme et ses enfants avaient fait
leur soumission, ceux-ci le suppliaient de céder son tour, car il
fallait que le père et les enfants fussent convertis pour que la
maison fût abandonnée par les missionnaires bottés.
C’est ce dont témoigne cette lettre de Louvois
à M. de Vrevins : « Lorsque le chef de la
famille s’est converti,
il faut que les enfants soient de sa
religion
… à l’égard des
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