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Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Titel: Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Alfred (de) Janzé
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aisselles, lui mettant sur la tête un
chaudron sur lequel ils faisaient, à coups de marteaux, le
charivari le plus assourdissant. Après trois ou quatre jours de
veille obligée dans de telles conditions, le patient cédait ;
s’il résistait plus longtemps, c’est que l’humanité ou la fatigue
d’un de ses bourreaux avait interrompu son supplice, et lui avait
permis de prendre quelque repos.
    Le gouverneur d’Orange, Tessé, vient trouver
le pasteur Chambrun et le menace de ce supplice ; Chambrun,
cloué sur son lit par une grave fracture de la jambe, découvre en
vain son corps, en disant à Tessé : vous n’aurez pas le
courage de
tourmenter ce cadavre
. « Sans être touché
d’aucune compassion de l’état où il m’avait vu, dit Chambrun, il
envoya chez moi dans moins de deux heures, quarante-deux dragons et
quatre tambours qui battaient nuit et jour tout autour de ma
chambre pour me jeter dans l’insomnie
et me faire perdre
l’esprit s’il leur eût été possible… L’exercice ordinaire de ces
malhonnêtes gens était de manger, de boire et de fumer toute la
nuit ; cela eût été supportable s’ils ne fussent venus fumer
dans ma chambre, pour m’étourdir ou m’étouffer par la fumée de
tabac, et si les tambours avaient fait cesser leur bruit
importun ; pour me laisser prendre quelque repos. – Il ne
suffisait pas à ces barbares de m’inquiéter de cette façon ;
ils joignaient à tout cela des hurlements effroyables, et si, pour
mon bonheur, la fumée du vin en endormait quelques-uns, l’officier
qui commandait, et qu’on disait être proche parent de M. le
marquis de Louvois, les éveillait à coups de canne, afin qu’ils
recommençassent à me tourmenter… Après avoir essuyé cette mauvaise
nuit, le comte de Tessé m’envoya un officier pour me dire si je ne
voulais pas obéir au roi. Je lui répondis que je voulais obéir à
mon Dieu. Cet officier sortit brusquement de ma chambre et
l’
ordre fut donné de loger tout le régiment chez moi
, et
de me tourmenter avec plus de violence.
Le désordre fut
furieux
pendant tout ce jour et la nuit suivante. Les tambours
vinrent dans ma chambre, les dragons venaient fumer à mon nez, mon
esprit se troublait, par cette fumée infernale, par la substraction
des aliments, par mes douleurs et par mes insomnies. Je fus encore
sommé par le même officier d’obéir au roi, je répondis que mon Dieu
était mon roi…
Qu’on ferait bien mieux de me dépêcher plutôt
que de me faire languir par tant d’inhumanités.
Tout cela
n’adoucit pas ces cœurs barbares, ils en firent encore pis, de
sorte qu’accablé par tant de persécutions, je tombai le mardi 13 de
Novembre, dans une pâmoison où je demeurai quatre heures entières
avec un peu d’apparence de vie. »
    Chambrun, qui avait passé un instant pour
mort, est encore cruellement tourmenté. « Je souffris de
telles douleurs, dit-il, que j’allai lâcher cette maudite
parole : Eh bien !
je me réunirai.
 » Cette
maudite parole, arrachée par la souffrance, suffisait aux
convertisseurs pour déclarer que Chambrun était revenu à l’Église
romaine. Pour être réputé catholique, dit Élie Benoît, il suffisait
de prononcer
Jésus Maria
, ou de faire le signe de la
croix. Le plus souvent, pour mettre leur conscience en repos, les
victimes qui mettaient leur signature au bas d’un acte d’abjuration
ajoutaient :
pour obéir à la volonté du roi.
La mère
de Marteilhe, convertie par les soldats du duc de la Force, signe
l’acte d’abjuration avec cette mention amphibologique : La
Force me l’a fait faire ; quant aux habitants d’Orange qu’il
avait convertis tous en vingt-quatre heures, Tessé écrit à
Louvois : « Ils croyaient être dans la nécessité de
mettre le nom et l’autorité du roi dans toutes les lignes de leur
créance, pour se disculper envers leur prince (le prince d’Orange),
de ce changement
par une contrainte qu’ils voulaient qui
parut
, vous verrez comme quoi
j’ai retranché tout ce qui
pouvait la ressentir…
en tous cas il faut que Sa Majesté
regarde ce qu’on fait avec ces gens-ci,
comme d’une mauvaise
paie dont on tire ce qu’on peut
. »
    Le clergé était de cet avis, et se montrait
très accommodant sur toutes les restrictions dont les huguenots
voulaient entourer leur abjuration.
    Une fois l’abjuration obtenue, le huguenot
enfermé dans le royaume par la loi contre l’émigration, devait être
contraint, par la

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