Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
jeunes frères et sœurs ;
elle
avait dû faire ce marché
,
par l’entremise d’un ami
,
en maison tierce
,
à quatre heures du matin
.
« La veille du jour fixé pour le départ,
à huit heures du soir, dit-elle, je pris avec moi deux de mes
frères et deux de mes sœurs, nous nous mîmes propres et prîmes sur
nous ce que nous avions de meilleures nippes, ne nous étant pas
permis d’en emporter d’autres. Nous feignîmes de nous aller
promener à la place du Château, endroit où tout le beau monde
allait tous les soirs ; sur les dix ou onze heures que la
compagnie se sépara, je me dérobai à ceux de ma connaissance, et,
au lieu de prendre le chemin de notre maison, en primes un tout
opposé pour nous rendre dans celle qu’on m’avait indiquée à la
digue près de la mer, et nous entrâmes par une porte de nuit où on
nous attendait. On nous fit monter sans chandelle ni bruit, dans un
galetas où nous fûmes jusqu’à une heure de nuit, là nous vint
prendre notre capitaine. »
Bien que les capitaines avec lesquels les
fugitifs étaient obligés de traiter, connussent le risque, s’ils
étaient découverts, de voir leurs navires confisqués et d’être
eux-mêmes envoyés aux galères ; cependant, les profits de
cette contrebande humaine étaient tels, qu’il n’y eût bientôt plus
si petit port où se trouvât quelque capitaine faisant métier de
transporter des fugitifs à l’étranger.
Le capitaine une fois trouvé, les fugitifs
étaient obligés de se soumettre à toutes les conditions que
celui-ci voulait leur imposer ; tant pour le départ que pour
le payement. Le marché conclu, on avait à surmonter encore bien des
difficultés avant de pouvoir mettre le pied sur le navire qui
devait vous emmener à l’étranger.
La relation du départ de Fontaine et de ses
compagnons peut donner quelque idée de ces difficultés de la
dernière heure.
Fontaine avait trouvé à Marennes, un capitaine
anglais qui avait consenti à le porter en Angleterre, ainsi que
quatre ou cinq autres personnes, moyennant dix pistoles par
tête.
Pendant plusieurs jours d’une attente cruelle,
les émigrants se tiennent à la Tromblade prêts à partir ;
enfin le capitaine leur fait savoir qu’il est prêt à mettre à la
voile, et que si, le lendemain, ils se trouvaient dans les sables
près de la forêt d’Arvert, il enverrait une chaloupe pour les
prendre et les mener à bord.
Le lendemain, plus de cinquante huguenots
attendaient à l’endroit fixé, espérant pouvoir s’échapper en même
temps que Fontaine et ses compagnons, mais les catholiques avaient
eu l’éveil, et les autorités avaient empêché le navire de
partir.
Toute la journée se passe sans que les
personnes assemblées dans les sables, voient paraître le navire
attendu, et, sans un faux avis donné exprès au curé et à ses
acolytes par des pécheurs, elles étaient surprises ; on se
disperse ; Fontaine et une quinzaine d’autres vont demander
asile à un nouveau converti ; celui-ci les renvoie après
quelques heures craignant d’être compromis, et ce fut fort heureux
pour les fugitifs, car il n’y avait pas une demi-heure qu’ils
étaient partis, qu’un juge de paix accompagné de soldats vint faire
une descente chez ce nouveau converti.
Chacun tire de son côté, Fontaine et
quelques-uns de ses compagnons restent cachés quatre ou cinq jours
dans des cabanes de pêcheurs, Dieu sait dans quelles transes
continuelles.
Le capitaine anglais leur fait savoir un jour,
que le lendemain il prendra la mer et qu’il passera entre les îles
de Rhé et d’Oléron, il leur dit que s’ils peuvent se procurer une
petite barque, et courir les risques d’une navigation hasardeuse
dans ces parages, ils n’auront qu’à laisser tomber trois fois leur
voile, et, qu’il accostera leur barque pour les emmener sur son
navire après qu’il aura été visité.
« Le même soir, 30 novembre 1685, dit
Fontaine, nous montâmes dans une petite chaloupe à la tombée de la
nuit… nous n’étions plus que douze dont neuf femmes. À la faveur de
la nuit, nous pûmes nous éloigner de la côte sans être aperçu ni du
fort d’Oléron, ni des navires en surveillance, et,
à dix heures
du matin
,
le lendemain
, nous laissâmes tomber l’ancre
pour attendre le vaisseau libérateur. Ce ne fut que vers trois
heures de l’après-midi, que le vaisseau parut en vue de notre
barque. Mais il avait encore à bord les visiteurs officiels et
Weitere Kostenlose Bücher