Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
blé
. De Portal embarqua ses enfants sur un
navire, enfermés dans des tonneaux et
n’ayant que le trou de la
bonde pour respirer.
Les deux cousines de Jean Raboteau partirent
cachées dans de grandes caisses remplies de pommes, et l’histoire
de leur évasion est un véritable roman.
La famille Raboteau, originaire des environs
de la Rochelle, était allée s’établir à Dublin pour y faire le
commerce des vins de France, bien des années avant la révocation.
Jean Raboteau, qui avait succédé à son père, ne tombait donc point
sous le coup de disposition légale, interdisant l’accès des ports
français aux huguenots naturalisés anglais ou hollandais qui
avaient quitté leurs pays depuis l’édit de révocation. Reconnu
comme sujet anglais, il venait fréquemment à la Rochelle avec un
navire qu’il avait frété pour son commerce, et visitait ses parents
et amis nouveaux convertis, lorsqu’il débarquait en France. Deux de
ses cousines lui confient leur embarras, leur tuteur les met dans
l’alternative, ou d’épouser deux anciens catholiques dont elles ne
veulent pas, ou d’entrer au couvent. Raboteau conseille à ses
cousines de feindre de consentir au mariage, pendant qu’il
préparera leur fuite, et tout se prépare pour la noce. La veille du
jour fixé pour le mariage, à minuit, les deux jeunes filles
s’échappent sans bruit, rejoignent leur cousin qui les attendait
près de là avec deux chevaux, il prend l’une d’elles en croupe, la
seconde monte sur l’autre cheval et tous trois sont promptement
rendus à la Rochelle.
Là, une vieille dame reçoit les deux sœurs
qu’elle cache dans une partie écartée de la maison qu’elle
habitait. Raboteau ramène promptement les chevaux à l’endroit où il
les avait pris et regagne sa chambre sans encombre.
Le lendemain il était le premier descendu, et
bientôt les équipages amènent tous les gens de la noce ; le
tuteur monte dans la chambre des fiancées, voit tout en désordre,
les lits non défaits. On cherche les jeunes filles partout, dans
les caves, dans toutes les parties du château, dans le parc, et
Raboteau semble prendre part aux recherches avec autant d’activité
que les fiancés déconfits. Le tuteur prévient les autorités ;
tous les navires qui étaient dans le port, notamment celui de
Raboteau, sont soigneusement visités, sans succès. Raboteau, pour
dérouter les soupçons, prolonge son séjour au château, puis il
retourne à la Rochelle pour mettre à la voile. Les deux jeunes
filles sortent de la maison où elles avaient trouvé asile, elles
sont placées dans de grandes caisses ouvertes et recouvertes d’une
certaine quantité de pommes ; une charrette vient prendre les
caisses et les porte jusqu’à une barque où se trouvait
Raboteau ; de là elles sont transbordées sur le pont du
navire, et quand on a perdu de vue les côtes de France, les deux
fugitives peuvent enfin sortir de leur incommode cachette.
Mais les navires qui se livraient
habituellement à cette contrebande humaine avaient des caches, où
l’on mettait les fugitifs ; ces caches fort petites étaient
dissimulées, soit sous la chambre du navire, soit sous le pont,
entre le mât et la chute de la chambre
, ainsi que le
constatent divers jugements rendus contre des capitaines. Baudoin
de la Boulonnière partit sur un navire de vingt-cinq à trente
tonneaux, dans la cache duquel on entrait par-dessous le lit d’un
matelot, et l’on entassa douze personnes dans cet étroit
espace.
Les fugitifs entraient, quelquefois longtemps
à l’avance, dans ces caches, et Élie Benoît montre à quelles dures
épreuve ils y étaient soumis : « On s’enfermait, dit-il,
dans des trous où l’on était entassé les uns sur les autres,
hommes, femmes et enfants où on ne prenait l’air qu’a certaines
heures de la nuit… ce qui renfermait le pot destiné à subvenir aux
nécessités naturelles servait aussi de table pour boire et manger.
On demeurait dans cette contrainte pour attendre le vent ou la
commodité des visiteurs, huit et quinze jours… Le silence,
l’obscurité, l’air étouffé, la puanteur, tout ce qui pouvait faire
le plus de peine, devenait aisé pour les personnes les plus
délicates, pour les femmes grosses, pour les vieillards, pour les
enfants. On a vu des enfants d’un naturel éveillé, remuant,
inquiet, sujets à crier pour la moindre chose, demeurer dans ces
obscures cachettes aussi longtemps que des personnes
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