Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
évêques,
qu’on refuse des secours à une veuve jusqu’à ce que ces enfants
aient abjuré. Qu’on agit de même avec les membres d’une famille qui
sont si pauvres
qu’ils vont tout nus
, la mère ayant mieux
aimé demeurer
nue
, que d’accepter un habit qu’on lui
donnait,
à condition
qu’elle viendrait une fois à la
messe, etc.
De son côté, le terrible proconsul du
Languedoc, Bâville, écrit : « Les douze mille livres que
le roi a eu la bonté de m’envoyer,
pour faire des aumônes dans
les missions
, font un effet merveilleux, et
gagnent
tous les pauvres à la religion. Bien que ce motif ne soit, pas
d’abord
très pur
, les missionnaires savent très bien le
rectifier
, et ils engagent,
par ce moyen
, une
infinité de personnes à s’instruire et à fréquenter les sacrements.
Elles (les aumônes) sont d’autant plus utiles qu’il y a
une
misère extrême
cette année dans les Cévennes, parce que le blé
et les châtaignes ont manqué, et beaucoup de paysans
ne vivent
à présent que de glands et d’herbes
… –
Cette grande
nécessité
m’a fait penser qu’il serait très utile d’établir,
dans le fond des Cévennes, quatre ou cinq missions après
Pâques
dans lesquelles je ferais distribuer le pain
, ainsi les
pauvres recevraient en même temps ce secours pour le temporel et
l’instruction. »
Ces missions ambulantes pour la conversion des
hérétiques, payées sur la cassette du roi, avaient commencé sous
Louis XIII, elles continuèrent sous les règnes de Louis XIV, de
Louis XV et de Louis XVI ; des gratifications en argent,
données aux convertis, ajoutaient du poids aux discours des
missionnaires. Voici une ordonnance de comptant signée de Louis
XVI, et portant la date du 1 er janvier 1783 :
« Garde de mon trésor royal, M. Joseph Micault
d’Harvelay, payez comptant, au sieur évêque de Luçon, la somme de
quatre cents livres, pour aider à la subsistance des missionnaires
du Bas Poitou
qui travaillent à la conversion des
protestants
, et ce pour la présente année. »
Il est bon de se rappeler que, depuis les
dernières années du règne de Louis XIV, il n’y avait plus
légalement
un seul protestant en France, tout huguenot,
ayant abjuré ou non, étant, de par la volonté du roi,
réputé
catholique !
On conservait cependant les missions
travaillant à la conversion des protestants.
Ce n’était pas seulement à prix d’argent qu’on
achetait les conversions, c’était encore, on le sait, à l’aide de
faveurs
de toute nature accordées aux huguenots
dociles
: une de ces
faveurs
était la
surséance du paiement des dettes ; un édit accordait, à tous
les huguenots qui feraient abjuration, un terme et délai de trois
ans pour le paiement du capital de leurs dettes ; « il
est défendu à leurs créanciers, était-il dit, de faire aucune
poursuite contre eux pendant ledit temps, à peine de nullité,
cassation de procédures et tous dépens ».
Cet étrange édit apporta un trouble si profond
dans le commerce qu’on fut bientôt obligé de décider que cette
surséance du paiement des dettes ne pourrait être invoquée ni entre
les nouveaux convertis, ni par les marchands convertis, pour les
affaires qu’ils avaient avec l’étranger.
Les conversions
mercenaires
,
obtenues, soit à prix d’argent, soit par des faveurs, n’avaient
cependant pas sensiblement diminué le nombre des huguenots, en
sorte que le plan conçu par Louis XIV pour ramener,
sans
violence
, son royaume à l’unité religieuse menaçait d’échouer
misérablement.
Par malheur, une des faveurs promises aux
huguenots do
ciles
, l’exemption des logements militaires,
fut l’occasion de la jacquerie militaire qui a reçu le nom de
dragonnades
, et que suivirent les emprisonnements, les
confiscations et toutes les odieuses mesures de violence que nous
aurons à signaler au cours de ce travail. Dans un des chapitres de
ce livre je ferai le récit détaillé des
dragonnades
, des
violences exercées par les soldats pour arracher une abjuration à
deux millions de victimes qui n’opposaient à leurs bourreaux
d’autre résistance, que leur constance résignée, leurs larmes et
leurs gémissements.
Les suites de cette jacquerie militaire furent
choquantes, dit Michelet ; le niveau de la moralité publique
sembla baisser, Le contrôle mutuel des deux partis n’existant plus,
l’hypocrisie ne fut plus nécessaire, le dessous des mœurs apparut.
Cette succession
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