Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
subite et impie, beaucoup y forcèrent, la plupart
animèrent les bourreaux, forcèrent les conversions : Le roi
s’applaudissait de sa puissance et de sa piété. Il se croyait au
temps de la prédication des apôtres et il s’en attribuait tout
l’honneur. Les évêques lui écrivaient des panégyriques, les
jésuites en faisaient retentir les chaires et les missions. Toute
la France était remplie d’horreur et de confusion et jamais tant de
triomphes et de joie, jamais tant de profusions de louanges… nos
voisins exultaient de nous voir ainsi nous affaiblir et nous
détruire nous-mêmes, profitaient de notre folie, et bâtissaient des
desseins sur la haine que nous nous attirions de toutes les
puissances protestantes.
Quelles que pussent être les désastreuses
conséquences de cette cruelle persécution religieuse, elles
n’étaient pas de nature à arrêter Louis XIV dans la voie déplorable
où il s’était engagé. On lit, en effet, dans les mémoires du duc de
Bourgogne, que dans le conseil où fut décidée la révocation de
l’édit de Nantes, le Dauphin ayant observé que, en admettant que la
paix ne fût pas troublée, un grand nombre de protestants
sortiraient du royaume, ce qui nuirait au commerce et à l’industrie
et, par là même, affaiblirait l’État, le roi trouva la
question
d’intérêt peu digne de considération
comparée aux avantages
d’une mesure qui rendrait à la religion sa splendeur, à l’État sa
tranquillité et à l’autorité tous ses droits.
Il n’y a donc pas à s’étonner si Louis XIV
refusa obstinément de revenir sur ses pas, quand il vit que la
conversion de ses sujets huguenots n’était qu’une vaine apparence
et que son ardeur inconsidérée à ramener, coûte que coûte, la
France à l’unité religieuse, avait ruiné le royaume.
Il ne s’obstina que davantage à poursuivre un
but impossible par le viol journalier des consciences, et la
collection des édits qu’il fit contre ses sujets huguenots, faits
par force catholiques, ou légalement réputés catholiques sans avoir
jamais abjuré, est un monument monstrueux d’iniquité et de
déraison.
Chapitre 2 LIBERTÉ DU CULTE
Caractère d’humiliation du culte
protestant
.
– Maxime du prince de Condé
.
–
Temples supprimés
.
– Ministres interdits
.
– La
désolation des provinces du midi . – L’insurrection des
Cévennes
.
– Les assemblées
.
– Les pasteurs du
désert
.
– Reprise générale du culte protestant
.
–
Mariages et baptêmes
.
– L’édit de 1787.
L’édit de Nantes n’avait pas, en ce qui
concerne l’exercice du culte, placé sur un pied d’égalité la
religion catholique et la religion protestante. Le culte catholique
était librement célébré sur tous les points du royaume et avait
partout la première place, tandis que l’exercice du culte
protestant n’était autorisé que dans les lieux où il avait existé
avant 1597.
Jusqu’à 1573, les édits royaux avaient
qualifié le protestantisme de
religion nouvelle
, l’édit de
Nantes l’appela religion
prétendue
réformée, puis défense
fut faite aux pasteurs de prendre un autre titre que celui de
ministres de la religion
prétendue
réformée, et, dans tous
les actes publics, les huguenots durent être qualifiés de
prétendus
réformés. Rien ne fut négligé, du reste, pour
accuser ce
caractère d’humiliation
qu’on voulait donner au
protestantisme, afin de mieux marquer la différence de
situation de la religion tolérée et de la religion maîtresse et
dominante
, de la réformée
qui est toute fausse
et de
la catholique
qui est toute sainte et toute sacrée
, ainsi
que le disait l’évêque d’Uzès.
Non seulement on défendit aux gentilshommes
huguenots de se faire enterrer dans les cimetières catholiques ou
dans les caveaux des églises,
sous prétexte que les tombeaux de
leurs pères y étaient ou qu’ils avaient quelque droit de patronage
ou de seigneurie
, mais encore les cimetières communs aux morts
des deux religions, durent être abandonnés aux catholiques. Les
huguenots qui avaient réclamé vainement contre l’appellation de
prétendus
réformés qu’on leur imposait, protestèrent
énergiquement, sans plus de succès, contre cette prescription
d’avoir à enterrer leurs morts
à part
, ce qui les
marquait, disaient-ils,
d’une tache odieuse et
flétrissante.
« Pourquoi, dit une requête des églises
réformées, nous assigner des cimetières
à part
?
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