Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
contre l’honneur
de la très sacrée vierge, voulons et nous plaît, etc. »
C’est l’application du commode système en
vertu duquel le compagnon d’un enfant royal est fouetté toutes les
fois que son auguste camarade a fait une faute, du système en vertu
duquel, font pénitence, par délégation, les deux vieilles galantes
repenties dont Dangeau conte ainsi l’histoire : « La
duchesse d’Olonne et la maréchale de la Ferté sa sœur, célèbres
toutes deux par leurs galanteries, devenues vieilles et touchées
par un sermon qu’elles venaient d’entendre un jour de mercredi des
cendres, songeaient sérieusement à l’œuvre de leur salut… « Ma
sœur, dit la maréchale, que ferons-nous donc ? Car il faut
faire pénitence. » Après beaucoup de raisonnements et de
perplexités : « Ma sœur, reprit, l’autre, tenez, voilà ce
qu’il faut faire :
faisons jeûner nos
gens ! »
De même, Louis XIV croyait racheter ses
péchés, en provoquant par tous les moyens la conversion des
huguenots de son royaume, en faisant pénitence sur le dos de ses
sujets hérétiques.
Rulhières constate que cette préoccupation
d’intérêt personnel est bien le motif déterminant de la croisade à
l’intérieur, entreprise par Louis XIV. « Il avait, dit-il,
formé le dessin de convertir les huguenots, comme trois siècles
plus tôt et du temps de Philippe-Auguste et de Saint-Louis, il eût,
en expiation de ses péchés
, fait vœu d’aller conquérir la
Terre Sainte. »
Quant à possibilité de trouver une
justification de l’édit de révocation, on ne saurait trouver de
témoignage moins suspect que celui de Saint-Simon, puisque c’est
lui qui déconseilla le régent du rappel des huguenots et qu’il dit,
dans ses mémoires, que Louis XIV avait fait la faute de révoquer
l’édit de Nantes, beaucoup plus dans la manière de l’exécution que
dans la chose même.
Or, Saint-Simon reconnaît qu’il n’y avait
nulle raison, nul prétexte même, de déchirer le contrat passé entre
les catholiques et les protestants sous la garantie de la signature
royale, et il apprécie ainsi la faute commise par Louis XIV dans
l’exécution de la révocation de l’édit de Nantes : « Qui
eût su un mot de ce qui ne se délibérait que entre le confesseur,
le ministre alors comme unique et l’épouse nouvelle et chérie, et
qui de plus, eût osé contredire ? C’est ainsi que sont menés à
tout, par une voie ou par une autre, les rois qui… ne se
communiquent qu’à deux ou trois personnes, et bien souvent à moins,
et qui mettent, entre eux et tout le reste de leurs sujets, une
barrière insurmontable. »
La révocation de l’édit de Nantes,
sans le
moindre prétexte et sans aucun besoin
, et les diverses
déclarations qui la suivirent furent les fruits de ce complot
affreux, qui dépeupla un quart du royaume, qui ruina son
commerce ; qui l’affaiblit dans toutes ses parties, qui le mit
si longtemps au pillage public et avoué des dragons, qui autorisa
les tourments et les supplices dans lesquels ils firent réellement
mourir tant d’innocents de tout sexe, et par milliers, qui ruina un
peuple si nombreux, qui déchira un monde de familles, qui arma les
parents contre les parents pour avoir leurs biens et les laisser
mourir de faim, qui fit passer nos manufactures aux étrangers, fit
fleurir et regorger leurs États aux dépens du nôtre et leur fit
bâtir de nouvelles villes, qui donna le spectacle d’un si
prodigieux peuple, proscrit, nu, fugitif, errant, sans crime,
cherchant asile loin de sa patrie ; qui mit nobles, riches,
vieillards, gens souvent très estimés pour leur piété, leur savoir,
leur vertu, des gens aisés, faibles, délicats, à la rame et sous le
nerf très effectif du comité pour cause unique de religion :
enfin qui, pour comble de toutes horreurs, remplit toutes les
provinces du royaume de parjures et de sacrilèges, où tout
retentissait des hurlements de ces infortunées victimes de l’erreur
pendant que tant d’autres sacrifiaient leur conscience à leurs
biens et à leur repos, et achetaient l’un et l’autre par des
abjurations simulées, d’où, sans intervalle, on les traînait à
adorer ce qu’ils ne croyaient point et à recevoir réellement le
divin corps du saint des saints, tandis qu’ils demeuraient
persuadés qu’ils ne mangeaient que du pain qu’ils devaient encore
abhorrer.
Presque tous les évêques se prêtèrent à cette
pratique
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