Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
décrété qu’à toutes cérémonies de noces et de baptêmes, qui
seront faites par des huguenots, il ne pourra y avoir
plus de
douze personnes
, y compris les parents qui y
assisteront ; il est fait défense de marcher
en grand
nombre
par les rues, en allant à ces cérémonies.
Pour les enterrements, le nombre des personnes
assistant aux convois ne peut dépasser
trente personnes
, y
compris les plus proches parents du défunt, ces enterrements
doivent se faire à
six heures du matin ou à six heures du
soir
, du mois d’avril au mois d’octobre,
à huit heures du
matin ou à quatre heures du soir
, du mois d’octobre à la fin
de mars.
Le bailli de Caen avait condamné à l’amende
les réformés Baillebache et Daniel, à raison de
la
malversation
par eux commise : « D’avoir couvert le
cercueil du corps de la fille dudit Baillebache d’un drap blanc,
semé de couronnes et guirlandes de romarin et fait porter les
quatre coins d’icelui par quatre filles tenantes en leurs mains
chacune un rameau aussi de romarin, et ledit Daniel d’avoir aussi
pareillement fait porter les coins d’un drap étant sur le corps de
sa défunte femme. »
Le parlement de Rouen confirme ce
jugement : Ouï, Ménard, avocat, qui a dit : « Qu’il
n’appartenait point à ceux de la religion prétendue réformée de
faire aucune pompe ni cérémonie dans leurs enterrements, que
c’était un honneur
réservé
à ceux qui professent la
religion du prince ; qu’il n’y pouvait avoir
égalité
entre les deux religions ; que la catholique, qui était la
religion maîtresse et dominante, devait avoir
tous les honneurs
et tous les avantages ;
que la prétendue réformée doit
demeurer
dans l’abaissement
,
dans le silence et dans
l’obscurité
, qu’il n’était pas juste que
la servante se
parât des mêmes ornements que sa maîtresse
. »
Ouï l’avocat général, lequel a dit :
« Que nous voulons que ceux de la religion prétendue réformée,
paraissent en toutes choses, ce qu’ils sont, c’est-à-dire
tolérés
, et, pour cette raison, il leur est interdit
toutes choses qui sont
d’apparence extérieure ;
point
d’exercice public de leur religion, point de culte extérieur,
rien qui paraisse ;
même les édits leur ordonnent de
faire leurs enterrements sur le soir,
afin d’en retrancher les
pompes
,
les cérémonies et toutes les vaines
ostentations
. »
Ce système
d’humiliation
appliqué par
Louis XIV aux protestants, à l’occasion des enterrements, nous
avons vu sous la république, un préfet de
l’ordre moral
tenter de le ressusciter contre les libres penseurs de Lyon. En
1873, M. Ducros, préfet du Rhône, sous prétexte de nécessités
d’ordre public (prétexte invoqué au XVII e siècle, pour
les protestants), prit, en effet, un arrêté décidant que les
enterrements
civils
se feraient au plus tard,
à six
heures du matin en été
,
à sept heures en hiver ;
qu’ils ne pourraient être suivis par un nombre de personnes
excédant le chiffre qu’il fixait, et qu’ils devraient se rendre au
cimetière par la voie la plus directe,
en évitant les grandes
rues.
Les journaux cléricaux ne craignirent pas de
prodiguer les éloges à cet arrêté, injustifiable dans une société
où, en vertu de la loi, tous sont égaux, et ont droit au même
traitement, quelles que soient leurs croyances religieuses ou leurs
opinions philosophiques. Il était juste, disaient ces journaux bien
pensants, que les morts libres penseurs fussent enterrés à l’heure
où étaient enlevés
les immondices
de la ville, attendu
que, ayant voulu
mourir comme des chiens
,
ils
devaient être
enfouis comme des chiens.
L’injure n’était pas nouvelle et elle a
toujours été appliquée, par les catholiques à ceux qui, protestants
ou libres penseurs, n’avaient point à leur lit de mort, reçu les
sacrements de l’Église catholique. Ainsi on lit dans le
Journal
de l’Étoile :
« En 1590, mourut aux cachots de la
Bastille, maître Bernard Palissy, prisonnier pour la religion, âgé
de quatre-vingts ans. La tante de ce bonhomme y étant retournée le
lendemain, voir comment il se portait, trouva qu’il était mort. Et,
lui dit Bussy, que, si elle voulait le voir, qu’elle le trouverait
avec ses chiens
sur le rempart, où il l’avait, fait
traîner
comme un chien
qu’il était. »
On lit encore dans un mémoire qui se trouve
aux archives générales : « En 1699, le sieur Bertin de
Montabar,
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