Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
ceux de leurs
âmes. »
Ces assemblées publiques se tenaient à la
veille de la violente persécution que le duc de Richelieu allait
exercer dans le Languedoc contre les huguenots, et dont la rigueur
fut telle que Rabaut lui-même songea un instant à émigrer en
Irlande avec la majeure partie des fidèles de son église. Mais
cette recrudescence de persécution ne pouvait durer, elle
constituait un véritable anachronisme en présence du progrès que
faisaient chaque jour les idées de tolérance, malgré les efforts du
clergé et ses incessantes réclamations pour que l’on maintînt la
rigoureuse application des lois barbares édictées contre les
huguenots.
Les soldats en vinrent, ainsi que le constate
avec surprise le secrétaire d’État Saint-Florentin, à avoir le
préjugé, qu’ils n’étaient pas faits pour inquiéter les
religionnaires.
Les officiers, dit Rulhières, ralentissaient
la marche de leurs détachements pour donner aux religionnaires
assemblés le temps de fuir. Ils avaient soin de se faire voir
longtemps avant de pouvoir les atteindre. Ils prenaient des routes,
perdues et par lesquelles ils cherchaient à égarer leurs
soldats.
En 1768, quatre-vingts huguenots d’Orange sont
surpris dans une grotte par des soldats qui les couchent en joue,
ils continuent à chanter leurs psaumes ; quatre chefs de
famille sortant de la grotte, se livrent aux soldats, à condition
que le reste de l’assemblée pourra se retirer librement. L’officier
accepte la proposition et conseille à ses prisonniers de s’évader
en route, promettant de favoriser leur fuite. Ceux-ci refusent et
sont mis en prison ; mais, deux mois après, ils étaient mis en
liberté, le temps des exécutions était passé.
Les gouverneurs de province et les commandants
de troupes veulent cependant parfois intimider par de vaines
menaces, les huguenots qui se rassemblent pour prier contrairement
aux édits non abrogés.
Un commandant de dragons écrit à l’intendant
le 27 décembre 1765 : « Il est bon que vous fassiez
assembler chez vous les plus notables d’entre les religionnaires de
Nions, Vinsobre et Venteral et que, vous leur notifiiez, de la part
de M. le maréchal, que s’ils continuent de s’assembler au
mépris des ordres du roi, sur le compte qui lui en sera rendu, il
les fera arrêter et les rendra responsables des assemblées qui se
feront, attendu qu’étant, les plus considérables, ils ne peuvent
que beaucoup influer sur les démarches de leurs confrères ; et
qu’ils seront emprisonnés au moment qu’ils s’y attendront le moins,
s’ils persistent d’assister aux assemblées après la défense qui
leur en aura été faite. C’est avec regret que le maréchal se décide
à cette extrémité, mais il voit qu’il faut absolument quelque
exemple de cette espèce, pour mieux imposer et contenir tous les
autres. »
Les vaines menaces que l’opinion publique ne
permettait plus de mettre à exécution ne produisaient aucun
effet.
Le gouvernement en vint à négocier avec les
huguenots pour obtenir d’eux qu’ils s’abstinssent de violer la loi
trop ouvertement
. Ainsi, en 1765, le maréchal de Tonnerre
donnait à ses subordonnés les instructions suivantes :
« Il faut employer adroitement tour à tour la douceur et la
menace en leur faisant envisager (aux huguenots) le danger où ils
s’exposent, s’ils continuent de se rendre
aussi
ouvertement
rebelles aux ordres du roi. MM. les curés,
conduits par un zèle trop ardent et souvent mal entendu, ne
connaissent que
la violence et le châtiment
pour réprimer
le scandale protestant ; vous vous tiendrez en garde contre de
pareilles insinuations ; cependant, si quelqu’un des
protestants se rendait
trop publiquement
réfractaire aux
ordres du roi, vous le ferez arrêter. »
« Il n’est plus question dès lors, de
proscrire l’exercice du culte domestique qui, en dépit des lois, a
repris droit de cité. En 1761, à l’occasion de l’arrestation du
pasteur Rochelle, Voltaire écrit à un protestant : « Vous
ne devez pas douter qu’on ne soit très indigné à la cour contre les
assemblées
publiques
. On vous permet de faire
dans vos
maisons
tout ce qui vous plaît, cela est bien
honnête. »
M. de Vergennes adresse plus tard à
l’intendant de Rouen les instructions suivantes : « Le
roi ne veut pas souffrir que les protestants s’assemblent ainsi, ni
qu’ils
donnent la moindre publicité
à leur culte.
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