Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
se
cachant dans un bois.
Les périls renaissaient sans cesse et plus
d’un, comme Romans pris deux fois et deux fois miraculeusement
délivré de la prison, ou comme le futur martyr Brousson, dut
momentanément repasser à l’étranger quand la persécution devenait
trop ardente ; ce n’était pas une fuite, mais un délai du
martyre. Un jour venait, en effet, pour presque tous les pasteurs
du désert, la malchance, la trahison, les livraient aux mains de
l’autorité ; or, être pris, c’était la mort sur le gibet ou
sur la roue, après les tortures de la question ordinaire et
extraordinaire.
Quand les pasteurs manquaient, c’étaient des
artisans, des femmes, des enfants qui les remplaçaient et faisaient
aux fidèles des exhortations, où leur lisaient des prières.
C’est surtout à partir de 1715, après la
fondation à Lausanne, du séminaire des pasteurs du désert, que l’on
aurait pu appeler l’école des martyrs – que la célébration du culte
proscrit reprit partout avec suite et régularité, bien que l’on ne
sût jamais si la prière commencée dans la réunion tenue sous la
couverture du ciel, serait ou non interrompue par la sanglante
intervention des soldats.
Les anciens avaient la charge de convoquer les
assemblées. Le matin ou dans la journée un homme passait. Il
trouvait un frère, lui annonçait qu’un prêche devait avoir lieu à
telle heure et dans tel endroit, puis disparaissait. Cependant,
portes closes, on se communiquait la bonne nouvelle. Enfin la nuit
venait, alors mille craintes, quelque espion ou quelque faux frère
n’avait-il pas appris la convocation de l’assemblée ? Vers dix
heures, on partait de la ville ou du village, non par bande, cela
eût pu donner des soupçons, mais séparément, sauf à se réunir plus
tard en quelque endroit isolé. La course était longue, une lieue,
deux lieues. Les femmes étaient harassées et les enfants avaient
peine à suivre ; chose grave ! les abandonner en route,
ou les renvoyer à la maison, c’était les exposer à être surpris par
les troupes, les livrer aux interrogatoires qui pouvaient avoir ce
résultat de faire surprendre l’assemblée. Il fallait alors que les
hommes robustes de la troupe portassent les enfants sur leurs
épaules. L’assemblée était lente à se réunir, cependant on
disposait les sentinelles pour donner l’alarme et éviter la
surprise.
Pour revenir au logis, on prenait les mêmes
précautions qu’au départ. Les femmes rentrées à la maison, lavaient
avant le jour leurs vêtements et ceux de leurs maris souillés par
la boue du chemin, afin que rien ne pût faire soupçonner la sortie
nocturne.
Peu à peu les assemblées devinrent de plus en
plus nombreuses, et presque publiques, lorsque le gouvernement, par
suite de quelque guerre avec l’étranger, n’avait pas la libre
disposition de ses troupes.
Comment en eût-il été autrement alors que les
exigences inadmissibles du clergé catholique chargé de la tenue des
registres de l’état civil, mettait les huguenots dans la nécessité
de recourir aux pasteurs pour faire constater la naissance de leurs
enfants et pour faire bénir leurs mariages ?
En 1745, Rabaut écrit : « On me
mande de Montauban que les protestants y donnent des marques
extraordinaires de zèle ; ils font des assemblées de trente
mille personnes. Un dimanche du mois dernier on y bénit cent
quatre-vingt-un mariages, le dimanche suivant soixante, et celui
d’après quatorze. »
Deux ans plus tôt, il écrivait à Court
« Je voudrais de tout mon cœur que vous passiez le dimanche
matin au chemin de Montpellier, près de la ville de Nîmes, lorsque
nous faisons quelque assemblée pour cette dernière église, à la
place nommée vulgairement la fon de Langlade où vous avez prêché si
souvent ; vous verriez autant que votre vue pourrait s’étendre
le long du chemin, une multitude étonnante de nos pauvres frères,
la joie peinte sur le visage, marchant avec allégresse pour se
rendre à la maison du Seigneur.
Vous verriez des vieillards, courbés sous le
faix des années, et qui peuvent à peine se soutenir, à qui le zèle
donne du courage et des forces et qui marchent d’un pas presque
aussi assuré que s’ils étaient à la fleur de leur âge. Vous verriez
des calèches et des charrettes, pleines d’impotents, d’estropiés ou
d’infirmes qui, ne pouvant se délivrer des maux de leurs corps,
vont chercher les remèdes nécessaires à
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