Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
l’arbre, et,
caché par le feuillage, il assiste invisible aux recherches faites
pour s’assurer de sa personne.
Un jour, la métairie où Brousson était réfugié
près de Nîmes est investie ; son hôte n’a que le temps de le
faire descendre dans un puits où une petite excavation à fleur
d’eau existait. Brousson s’y blottit. Après avoir fouillé la
maison, les soldats attachent l’un deux qui connaissait la cachette
à une corde, et le descendent dans le puits. Le soldat, échauffé,
une fois dans le puits, se sent saisi par le froid ; craignant
un accident, se fait retirer avant d’arriver au fonds du puits, en
criant qu’il n’y a personne dans la cachette. Brousson est sauvé,
alors qu’il se croyait irrémédiablement perdu.
Le prédicant Henri Pourtal se trouvant dans
une maison où il avait fait une petite assemblée, ne trouve d’autre
moyen d’échapper aux soldats que de monter au haut de la maison et
de passer sur les toits des maisons voisines. Poursuivi de près, il
se jette dans un puits où, par bonheur, il n’a de l’eau que
jusqu’au cou, mais il est obligé de demeurer trois heures dans
l’eau glacée. Quand on l’en retire, demi-mort, il s’aperçoit qu’en
descendant d’une maison à l’autre il s’est blessé si gravement à la
jambe, qu’il doit rester six semaines sans pouvoir marcher.
Pendant trois nuits consécutives, par une
pluie battante, les troupes font une battue dans un bois, entre
Uzès et Alais, où Brousson s’était réfugié. La troisième nuit,
Brousson dut s’abriter sous un rocher dans une position si gênée
qu’il ne pouvait ni se lever ni s’allonger ; au matin, percé
jusqu’aux os par la pluie et transi de froid, il sort de sa
cachette pour se rendre à un village voisin. Il entend des voix,
c’était une troupe de soldats ; il n’a que le temps de se
cacher dans les broussailles. Il voit successivement passer
plusieurs détachements qui vont investir le village où il comptait
se rendre.
Fouché, échappé par miracle à ceux qui
venaient l’arrêter dans son asile, sur la dénonciation d’un
traître, passe une rivière à la nage par un froid glacial. Transi,
à demi-mort, il marche dans la neige sans savoir où il va, traverse
à minuit un village inconnu, où il n’ose demander asile et se perd
dans les bois. Il arrive à Audabias, chez un paysan qui l’a logé
autrefois, mais celui-ci n’ose le garder ; aussitôt le jour
paru il faut déloger.
Pressé par la faim, harassé de fatigue, Fouché
marche toujours sans savoir où il va. Il rencontre enfin un homme
de sa connaissance qui le campe sous un rocher dans un bois et va
aux provisions. Pendant deux heures Fouché souffrant du froid et de
la faim l’attend ; quand l’autre revient, Fouché a peine à
mâcher une bouchée de pain tant il est affaibli, mais une gorgée de
vin qu’il avale le remet, son compagnon le mène à une
métairie ; mais il y a des domestiques papistes et il faut les
laisser coucher avant d’entrer. Fouché reste encore deux heures
exposé à la rigueur du froid ; il entre enfin, on lui prépare
un lit ; mais, au moment où il va porter à sa bouche le
bouillon qu’on lui a fait chauffer, les soldats arrivent. Il
s’échappe en franchissant une haute muraille ; arrivé dans un
petit bois il s’évanouit de faiblesse et d’épuisement. Ce n’est
qu’au bout de deux heures que les forces lui reviennent et qu’il
peut suivre son compagnon, qui le mène chez une veuve à
Saint-Laurent. Le lendemain matin, nouvelle alerte, les soldats qui
poursuivaient Fouché, s’arrêtent pour se rafraîchir chez cette
veuve qui vendait du vin, mais heureusement ils ne songent point à
faire de recherches ; sans quoi Fouché était perdu.
Le pasteur Coffin peut s’échapper des mains de
l’officier qui l’avait arrêté et fuit en Hollande ; le
proposant Mézarel, pris par les soldats et enfermé dans une grange,
se met pieds nus et peut fuir sans bruit ; Pradel surpris avec
l’assemblée qu’il présidait, saute à cheval et est longtemps
poursuivi par les soldats, entendant les cris répétés de :
« à celui du cheval ! » et des coups de fusil ;
de même le pasteur Gibert, fuyant d’une assemblée à cheval avec
deux autres huguenots, voit l’un de ses compagnons tué à ses côtés,
et l’autre fait prisonnier avec la valise dans laquelle étaient
renfermés ses papiers, il n’échappe lui-même aux soldats qu’en
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