Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
assistés de nos procureurs ou des procureurs fiscaux et de
deux témoins, pour recevoir leur déclaration, et savoir d’eux s’ils
veulent mourir dans ladite religion ; et, en cas que lesdits
de la r. p. r. désirent se faire instruire en la religion
catholique, voulons que lesdits juges fassent venir sans délai et
au désir des malades, les ecclésiastiques, ou autres qu’ils auront
demandés, sans que leurs parents y puissent donner aucun
empêchement. » Cette prescription mettait fin aux scènes de
scandale et de violence provoquées par les curés venant auprès des
malades sans avoir été appelés, mais il mettait le moribond à la
discrétion d’un magistrat, souvent peu scrupuleux et tout disposé à
favoriser le prosélytisme in extremis du curé.
Le moribond dont la famille entourait le lit
de douleur, tout à coup, sans avoir été prévenu, voyait entrer le
magistrat dont la présence lui annonçait que sa dernière heure
était proche. On faisait retirer tous les siens, et ce malheureux,
qui n’avait plus de force que pour mourir, se trouvait seul en face
du magistrat, souvent aussi ardent convertisseur que le prêtre, il
lui fallait subir un long et délicat interrogatoire. En dépit de la
fièvre qui le minait et le privait de l’usage de ses facultés, il
devait calculer chaque mot des réponses à faire aux questions
captieuses qui lui étaient posées. Qu’une de ses réponses pût être
interprétée dans un sens favorable aux désirs de son interrogateur,
c’en était assez, on s’écriait : le malade veut se
convertir ! il appartenait dès lors au clergé, les siens
étaient éloignés de sa couche d’agonie, et, alors même qu’il
mourait, sans avoir repris connaissance, il était enterré comme
catholique, et ses enfants étaient enlevés à leur mère huguenote,
pour être élevés dans la religion dans laquelle leur père était
censé être mort.
Cette barbare pratique de la visite des
malades devint l’instrument de la plus odieuse et cruelle
persécution, lorsque le clergé eut obtenu ce qu’il réclamait
instamment, l’interdiction d’abjurer la foi catholique aussi bien
pour les anciens catholiques que pour les nouveaux convertis.
En 1670, l’orateur de l’assemblée générale du
clergé, en même temps qu’il déclarait que les évêques ne pouvaient,
sans être criminels
, refuser de se rendre aux désirs
d’enfants
de moins
de douze ans
, voulant se
convertir à la religion catholique, malgré leurs parents, disait,
sans se rendre compte de son inconséquence : « Tout est
perdu à jamais par la funeste liberté qui donne lieu aux
catholiques de votre royaume de faire banqueroute à leur
religion. »
Louis XIV, pour donner satisfaction aux vives
remontrances du clergé, décide que les dispositions de l’édit de
Nantes relatives aux immunités accordées à ceux qui, après avoir
abjuré, seraient retournés à leur religion première, ne
s’appliquent qu’au passé.
Que tout réformé qui aura une fois fait
abjuration pour professer la religion catholique, ne pourra jamais
plus y renoncer et retourner à la religion réformée.
« Voulons et nous plaît, décrète-t-il,
que nos sujets, de quelque qualité, condition, âge et sexe qu’ils
soient, faisant profession de la religion catholique, ne puissent
jamais la quitter pour passer en la religion prétendue
réformée. »
Nul catholique ne pouvant plus se faire
protestant, et nul protestant, ayant abjuré ne pouvant revenir à sa
foi première, les huguenots de naissance avaient seuls désormais le
droit de se dire protestants.
C’était trop encore. Après la suppression de
l’exercice public du culte protestant, un incroyable édit vint
déclarer catholiques tous les huguenots restés en France à la suite
de cette suppression, leur séjour dans le royaume étant une preuve
plus que suffisante qu’ils avaient embrassé la religion
catholique.
Pour se rendre compte de l’odieuse et
imprudente iniquité d’un tel édit, il faut se rappeler que les
huguenots ne pouvaient quitter le royaume sans être passibles des
galères et de la confiscation des biens, et que l’article XI de
l’édit révocatoire, portant suppression de leur culte public, les
autorisait à « rester dans les villes et lieux du royaume, à y
continuer leur commerce et jouir de leurs biens, sans pouvoir être
troublés ni empêchés sous prétexte de leur religion. »
Quoi qu’il en soit, à la suite de
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