Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
grave atteinte à la
liberté de conscience des huguenots, ainsi garantie par le
quatrième article particulier de l’édit de Nantes : « Ne
seront tenus ceux de ladite religion de recevoir
exhortations
, lorsqu’ils seront malades, d’autres que
de la même religion
. » Sous prétexte de violences
exercées, en plusieurs occasions, par ceux de la religion prétendue
réformée pour empêcher la conversion de leurs malades qui voulaient
rentrer avant leur mort dans le sein de l’Église, le roi, par une
déclaration du 2 avril 1666, autorisa les curés, « assistés
des juges, échevins ou consuls à
se présenter aux malades pour
recevoir leur déclaration
. »
Il arrivait souvent que les curés, emportés
par leur zèle convertisseur, se rendaient auprès des malades
huguenots, sans avoir même réclamé l’assistance des magistrats.
C’est ce qui advint à Rouen ; un curé
ayant pénétré près d’un malade, sans être accompagné d’un
magistrat, et suivi
du menu peuple du quartier
, ce malade
avait refusé de le recevoir.
Ce qui ayant fait mutiner cette populace, deux
magistrats assistés de deux sergents y étaient allés, et étaient
montés à la chambre du malade qui leur avait déclaré n’avoir eu
aucune pensée de faire appeler le curé ni de changer de
religion ; sur quoi les magistrats, qui avaient d’abord fait
sortir les parents jusqu’à la femme du malade, les avaient fait
rentrer et ayant trouvé un ministre au bas de l’escalier, lui
avaient dit qu’il pouvait monter puisque le malade le
demandait.
À Paris même, sous les yeux d’une police
ombrageuse, le clergé négligeait parfois de requérir l’assistance
d’un magistrat, pour aller tourmenter les malades protestants. Un
passementier étant à l’agonie, deux religieuses et le vicaire de
Saint-Hippolyte veulent pénétrer auprès du malade, malgré
l’opposition de la femme de celui-ci. Ils insultent cette femme, et
la canaille qui les avait accompagnés se met en mesure de piller la
maison, si bien qu’il faut recourir à l’intervention de la police
pour que le malheureux puisse mourir en paix.
Le ministre Claude fut lui-même obligé de se
retirer d’auprès d’une malade que persécutaient des prêtres appuyés
par la populace. Le commissaire appelé après avoir demandé quatre
fois à la malade quelle était sa volonté, fit enfin retirer ces
prêtres, et Claude revint consoler la mourante qui expira une
demi-heure plus tard.
À Caen, un curé et un vicaire s’étant établis
d’autorité
, malgré le mari, auprès de la femme Brisset,
tombée en une sorte de léthargie et ne pouvant ni leur répondre, ni
même les entendre, firent chasser d’auprès d’elle par le lieutenant
particulier, son mari et ses filles, puis déclarèrent la malade
convertie et la firent enterrer comme catholique. Élie Benoît
raconte l’histoire d’une pauvre femme que l’on avait interrogée
pendant qu’elle avait le délire de la fièvre, et déclarée
catholique. Elle revient à elle et voit au pied de son lit un
crucifix : elle comprend qu’on a abusé de son état pour
prétexter qu’elle a changé de religion. Elle veut se sauver par la
fenêtre, la porte étant fermée à clé, elle tombe d’un troisième
étage et se tue.
En Poitou, dit Jurieu, un marguillier et un
curé ayant chassé les enfants d’un vieillard mourant, après les
avoir menacés de pendaison s’ils revenaient, tentèrent en vain
pendant plusieurs jours de convertir le malade. Le pauvre homme,
abandonné par eux et privé de ses enfants qui s’étaient réfugiés
dans le bois, mourut de froid, de misère et de faim et l’on trouva
qu’il s’était mangé les mains.
Sur les plaintes faites par les protestants
contre les curés qui commettaient cette double infraction à la loi,
de se présenter aux malades sans être accompagnés d’un magistrat,
et, au lieu de se borner à recevoir la déclaration de ceux-ci, de
leur faire
des exhortations
,
ce
qui était
contraire à l’édit de Nantes, la loi fut ainsi modifiée :
« Voulons et nous plaît que nos baillis, sénéchaux et autres
premiers juges des lieux, ensemble les baillis, sénéchaux, prévôts,
châtelains et autres chefs de justice seigneuriale de notre royaume
qui auront avis qu’aucuns de nos sujets de ladite religion
prétendue réformée demeurant aux dits lieux, seront malades ou en
danger de mourir, soient tenus de se transporter vers lesdits
malades,
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