Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
dans des cas où
elle ne pourra s’en dispenser, de son autorité pour retirer les
jeunes néophytes des mains de leurs parents et les faire mettre
dans des lieux d’instruction. »
Le 10 janvier 1790, à une supérieure des
nouvelles catholiques qui déclare avoir encore douze jeunes filles
à instruire et demande de nouvelles pensionnaires, le ministre
répond : « Je ne crois pas qu’il y ait lieu,
dans le
moment actuel
, de donner des ordres pour soustraire à
l’autorité de leurs parents, les jeunes personnes que le
désir
d’être instruites des vérités de la religion,
conduirait dans votre maison. Si cependant, les circonstances
étaient
urgentes
, on pourrait s’adresser aux juges, pour
recourir ensuite, suivant le jugement, à l’autorité. »
C’est après 1789, il n’est plus question déjà
que de jeunes filles ayant un
prétendu
désir de se faire
instruire malgré leurs parents ; mais pour que l’inviolabilité
du droit du père de famille sur la conscience de ses enfants
mineurs fût proclamée, il fallait que la monarchie très chrétienne
eût été balayée par la révolution.
Ce n’étaient pas, du reste, depuis l’édit de
révocation, les enfants
seuls
qui étaient jetés dans les
couvents pour y être instruits ;
les opiniâtres
,
hommes, femmes et enfants que n’avaient pu convaincre les
exhortations des soldats, remplissaient les couvents, les prisons
et les hôpitaux, véritables maisons de tortures.
L’intendant Foucault, un convertisseur
émérite, déclarait que les dragons avaient attiré moins de gens à
l’église, que ne l’avaient fait, pour les gentilshommes, la crainte
des prisons éloignées, pour les femmes et les filles, l’aversion
qu’elles avaient pour les couvents.
Cette aversion des huguenotes pour la vie
monotone et vide du couvent ; avec les longues stations sur la
dalle froide des chapelles, les prières interminables en langue
inconnue, se comprend d’autant mieux, que ces chrétiennes étaient
prises par les nonnes ignorantes pour des juives, des païennes ou
des idolâtres, et catéchisées en conséquence à leur grand
étonnement – quelques-unes des néophytes, non seulement se
montraient peu dociles à de telles instructions, mais encore
pervertissaient
, pour employer le langage du temps, celles
qui étaient chargées de les amener à la foi catholique. Madame de
Bardonnanche en agit ainsi dans un couvent de Valence ;
l’évêque de cette ville, apprenant qu’elle avait gagné l’affection
des religieuses, et craignant qu’elle
n’infectât tout
le
troupeau
, la fit enfermer dans un couvent de
Vif,
avec défense aux nonnes de lui parler
.
Madame de Rochegude, enfermée dans un couvent
de Nîmes, avait si bien gagné l’esprit et le cœur des religieuses
que l’abbesse dut écrire : « Ôtez-nous cette dame, ou
elle rendra tout le couvent
huguenot
. Madame de Rochegude
fut expulsée du royaume comme
opiniâtre
. Au moment des
dragonnades, de Noailles et Foucault constatent déjà que les
huguenotes sont plus difficiles à convertir que leurs maris et
souvent on mettait la femme au couvent dans l’espoir de convertir,
non seulement elle-même, mais encore le mari par surcroît.
« Le roi sait, écrit le secrétaire d’État, que la femme du
nommé Trouillon, apothicaire à Paris, est une des plus opiniâtres
huguenotes qu’il y ait. Et, comme sa conversion pourrait attirer
celle de son mari, Sa Majesté veut que vous la fassiez arrêter et
conduire aux nouvelles catholiques. »
Des femmes, des jeunes filles, des enfants
même, montrèrent une constance admirable pendant des années
entières. Par exemple, les deux demoiselles de Rochegude, ayant pu
conserver des relations avec leurs parents, par l’entremise d’une
personne dévouée qui n’était pas suspecte à l’abbesse du couvent
dans lequel elles étaient retenues, parviennent à s’échapper
après quatorze ans
de captivité. Elles rejoignent à Genève
leurs parents dont la joie de les revoir fut encore plus grande,
dit une relation « quand ils s’aperçurent que leurs filles
n’avaient ni l’esprit, ni le cœur gâtés. Le plus souvent les
supérieures habituées à voir tout plier devant elles,
s’exaspéraient en présence de la résistance des huguenotes, elles
les injuriaient, les maltraitaient et parfois les ensevelissaient
dans leurs sombres
inpace
, ces sépulcres faits pour
les morts vivants
. Sur une liste des pensionnaires
Weitere Kostenlose Bücher