Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Titel: Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Alfred (de) Janzé
Vom Netzwerk:
voulant
avoir leur compte de prises.
    En 1740, l’évêque d’Apt envoie des cavaliers
de la maréchaussée pour enlever les deux filles aînées des époux
Béridal.
    Ces filles avaient été mises à l’abri ;
les cavaliers, après avoir vainement fouillé partout sans succès,
disent : puisque nous ne trouvons pas les autres, nous allons
toujours prendre la troisième, une enfant de trois ans. La mère
court au lit et prend l’enfant ; dans ses bras, un cavalier
saisit cette enfant par les pieds et la tire comme s’il eût voulu
l’écarteler ; ne réussissant pas à l’arracher des bras de la
mère, il donne à celle-ci un coup de poing si violent sur la tête
qu’elle tombe sur le carreau, ce qui lui permet de prendre
l’enfant. Quelques mois après, l’évêque ayant réussi à mettre la
main sur les deux filles aînées, Béridal se rend à l’évêché pour
réclamer ses trois filles. « Prends la plus jeune si tu veux,
lui dit l’évêque. – Il n’est plus temps de me la rendre répond le
père, à présent qu’elle est morte et qu’on me l’a tuée, – Fais
comme tu voudras, je vais me coucher. – Pardonnez-moi monseigneur,
car, quoique morte, je la porterai avec les dents plutôt que de
vous la laisser. »
    Le père remporte chez lui l’enfant qui a été
prise
sans ordre
, et quelques jours après elle meurt des
suites des violences qu’elle avait eu à subir.
    « Les cavaliers de la maréchaussée, écrit
en 1749 la supérieure des nouvelles catholiques de Caen, nous ont
amené trois filles. Nous nous sommes aperçues qu’ils se sont
un
peu mépris…
Au lieu de Marie-Anne Boudon, pour laquelle nous
avions un ordre du 8 octobre 1748, ils nous ont amené sa
sœur… ; nous ne sommes point fâchées de cette
méprise
si elle ne déplaît pas à la cour. »
    Que dirait-on d’un bourreau à qui on
livrerait, pour l’exécuter, le frère d’un coupable, s’il déclarait
ne pas être fâché de la
méprise
, et se résignait, pourvu
que cela ne déplût pas en haut lieu, à supplicier l’innocent à la
place du coupable ?
    Les convertisseurs n’y regardaient pas de si
près, ils instruisaient, bon gré mal gré, aussi bien l’enfant qui
leur était remis en vertu d’une lettre de cachet, que celui qu’on
leur livrait
par erreur et sans ordre
. Il est aisé
d’imaginer quel trouble profond jetait chez les huguenots cette
cruelle persécution, les frappant dans ce qu’ils avaient de plus
cher, et dans quelles continuelles angoisses vivaient les
familles.
    « Hélas ! que de familles désolées
en basse Normandie, écrit en 1751 le pasteur Garnier, que de mères
éplorées, que d’angoisses et d’amertume dans tout le
voisinage ! Pour un seul enfant arrêté, il est incroyable
toute la rumeur qui se fait ; on ne songe de toutes parts qu’à
faire fuir les innocentes créatures qu’on chérit avec
tendresse ; on les sauve toutes nues ; nonobstant la
rigueur des saisons, on erre à l’aventure, on les cache dans les
genêts. On revient ensuite reconnaître le dégât de l’ennemi, on
court de côté et d’autre, le cœur déchiré de douleur et, au moindre
bruit nocturne, c’est à recommencer. » En 1754, on écrit que,
depuis quatre ans, un tiers des familles protestantes du Bocage ont
émigré à l’île de Jersey,
à cause d’enlèvements
d’enfants
.
    En 1763, les habitants de Bolbec adressent au
roi une requête dans laquelle nous lisons : « la
maréchaussée est venue en vertu de deux lettres de cachet enlever
les deux filles de la veuve de Jean de Bray… Cet incident, sire,
nous inquiète et nous afflige en nous rappelant les désordres et la
confusion que de pareils événements occasionnèrent dans notre
canton, il y a trente ans, et
dont les suites furent
l’émigration d’un nombre considérable de familles
protestantes
. Votre Majesté a désiré que nous rebâtissions nos
maisons incendiées (Bolbec venait d’être à moitié détruit par un
terrible incendie), nous y employons le peu que nous avons échappé
de nos désastres, mais sire, que nous servira de les faire
construire
si nous ne sommes point sûrs de les habiter avec nos
familles ? »
    En 1775, le gouvernement modère un peu le zèle
du clergé, mais ne répudie point la doctrine qui permet de porter
aux droits du père de famille la plus cruelle atteinte. « Sa
Majesté, écrit Malesherbes à l’évêque de Nîmes, est dans la
disposition de n’user que
rarement
, et

Weitere Kostenlose Bücher