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Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789

Titel: Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Alfred (de) Janzé
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Rochelle va plus loin,
il demande un ordre d’emprisonnement contre un marin qui a fait
partir comme mousse son fils, alors que Monseigneur voulait
continuer à faire instruire cet enfant. Le ministre s’y refuse,
déclarant que c’est vouloir ruiner le commerce que de demander
l’arrestation des chefs de famille pour de tels motifs. Sans cesse
le gouvernement était occupé à modérer l’ardeur d’enlèvements du
clergé. Saint-Florentin, obligé de consentir à l’enlèvement de
douze jeunes filles, demandé par l’évêque de Dax, se borne à
conseiller prudemment à cet évêque de ne pas les enlever
toutes
à la fois
. Mais à l’évêque d’Orléans qui veut enlever vingt
enfants, dont il
se
charge de payer la pension, le
ministre répond que le cardinal Fleury est fort édifié d’un si beau
zèle, mais que, comme l’évêque d’Orléans en a déjà, depuis très peu
de temps, fait mettre vingt-deux autres dans les couvents et
communautés, il paraîtrait extraordinaire qu’on eût,
en moins
d’un mois
, fait enlever plus
de quarante
enfants dans
un seul
diocèse.
    Cette prudence administrative était inspirée,
non par des sentiments de modération humanitaire, mais par la
crainte de mettre en éveil les huguenots, par des actes de violence
trop nombreux pour ne point avoir quelque éclat. Cette
préoccupation d’éviter le bruit se retrouve dans l’instruction
donnée à un intendant au sujet du fabricant Renouard, père de
famille accusé d’être en secret attaché à la foi protestante. Il
lui est prescrit de prendre à ce sujet les éclaircissements
nécessaires, mais on ajoute : « Il faut agir avec
circonspection, pour que ce particulier n’entre pas en défiance, et
ne fasse pas disparaître ses enfants. » En vain, prenait-on
toutes les précautions pour ne pas mettre les huguenots en
défiance ; en vain envoyait-on la nuit, à l’improviste, les
troupes faire des visites domiciliaires dans les villages, beaucoup
d’enfants, portés sur les listes de proscription remises par
l’évêque à l’intendant, étaient soustraits au sort qui les
menaçait. « Quoique j’aie fait prendre toutes les précautions
possibles, écrit l’évêque de Bayeux, et que le secret ait été très
bien gardé, on n’a pu arrêter que ces dix enfants, quatre nous ont
échappé par des issues souterraines que leurs pères avaient fait
faire dans leurs maisons depuis la signification des premiers
ordres du roi, qui avait donné l’alarme. »
    Dans le Dauphiné, le jeune Roux, âgé de douze
ans, qu’on voulait enlever, se cache dans un marais où il y passe
trois jours et trois nuits, ayant de l’eau jusqu’au cou ; ses
parents ne peuvent que lui porter un peu de nourriture pendant ce
temps. Quand la maréchaussée a renoncé à ses battues, ils le tirent
de là, cousent à son habit des pièces de monnaie, en guise de
boutons, et le mettent sur la route de Genève, où il arrive
heureusement.
    À Luneray, en Normandie, à l’approche des
soldats, deux fillettes âgées, l’une de cinq ans, l’autre de sept,
sont confiées à leurs grands-pères, deux vieillards de
quatre-vingts ans, qui montent à cheval, et, les prenant sous leurs
manteaux, les emmènent fort loin chez des amis. Pendant huit ans,
elles restent là ; au bout de ce temps, l’aînée se
marie ; et la cadette, revenue à Luneray, reste trois ans
cachée dans une chambre chez sa mère sans voir personne.
    À Bolbec, une jeune fille poursuivie par les
soldats échappe, en se précipitant par la fenêtre d’un grenier. Une
autre jeune fille est violemment arrachée par les archers des bras
de sa mère et de sa belle-sœur récemment accouchée ; celle-ci
s’évanouit et tombe à terre. La mère fait un quart de lieue de
chemin se cramponnant à son enfant. À bout de forces, elle finit
par céder. La pauvre enfant, ainsi disputée, eut un tel effroi de
cette scène que son visage en conserva toujours une pâleur
mortelle.
    À Die, un chirurgien, désespéré de se voir
enlever son enfant se donne un coup de lancette dont il meurt sur
l’heure.
    C’étaient, dans toutes les maisons soumises à
une visite domiciliaire, des scènes déchirantes : les parents
ne pouvant se résigner à se voir prendre leurs enfants, et ceux-ci
pleurant et se débattant pour échapper aux étreintes des
ravisseurs. Quant aux soldats, ils exécutaient impitoyablement
leurs ordres, parfois même au hasard et les outrepassaient,

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