Les huguenots - Cent ans de persécutions 1685-1789
des
nouvelles catholiques de Paris, on voit, en regard de plusieurs
noms, cette note : « elles ont été
extrêmement
maltraitées
en province, ce sont des esprits effarouchés qui
ont besoin d’être adoucis. »
Les cas de folie, à la suite des mauvais
traitements qu’avaient à subir les pensionnaires des couvents,
étaient si fréquents, qu’on lit dans le règlement de visite fait
par la supérieure de
l’Union chrétienne
: « S’il
arrive qu’il y ait des personnes
insensées
parmi les
pensionnaires, nous défendons très expressément, tant aux sœurs
qu’aux pensionnaires, de s’y arrêter et de s’en divertir, ni de se
mêler de ce qui les regarde si elles n’en sont chargées,
ou
si la supérieure ou celle qui en aura soin ne les en
prient. »
Dans un couvent de Paris, une dame Falaiseau,
enfermée avec ses trois filles, devient folle et meurt. Aux
nouvelles catholiques de Paris, mises sous la direction de Fénelon,
la dame de La Fresnaie devient folle, il faut la faire enfermer, et
Mlle des Forges, prise aussi de folie, se précipite par une
fenêtre et se tue. Théodore de Beringhen écrit à ce propos :
« Je ne suis pas surpris d’apprendre la frayeur et
l’étonnement général qu’a causés dans Paris la fin tragique de
Mlle des Forges, qui s’est précipitée du troisième étage par
une des fenêtres de la maison. C’était une suite affreuse de
l’égarement d’esprit où elle était tombée depuis quelques mois dans
la communauté qu’on appelle les nouvelles catholiques. Tout le
monde sait que c’était une fille de mérite et de raison, mais
l’abstinence forcée et les insomnies qu’elle a souffertes entre les
mains de ces impitoyables créatures, lui ont fait perdre en bien
peu de temps le jugement et la vie. »
Les femmes et les filles huguenotes livrées à
la dure main des religieuses, ne pouvaient recevoir ni une visite
ni une lettre, et, dans leur isolement, leur raison se perdait ou
leur constance devait céder. « Sa Majesté, écrit le secrétaire
d’État à la supérieure des nouvelles catholiques, a été informée
que quelques unes de ces femmes refusent d’entendre les
instructions qu’on veut leur donner, sur quoi elle m’ordonne de
vous dire d’avertir celles qui les refuseront que cette conduite
déplaît à Sa Majesté, et qu’elle ne pourra s’empêcher de prendre à
leur égard des résolutions
qui ne leur seront pas
agréables
. »
L’ordonnance du 8 avril 1686 prescrit, de par
le roi, à la supérieure d’avertir ses pensionnaires qu’il faut
« qu’elles écoutent avec soumission et patience les
instructions qui leur seront données, en sorte que
dans le
temps de quinzaine
,
du jour qu’elles seront reçues dans la
maison
,
elles puissent faire leur réunion ;
et,
au cas qu’elles ne le fassent pas dans ledit temps, enjoint à
ladite supérieure d’en donner avis pour y être pourvu par Sa
Majesté ainsi qu’elle verra bon être. »
Les mesures peu agréables qu’on trouvait bon
de prendre contre les opiniâtres, c’était l’envoi dans des couvents
plus durement menés, dans les prisons, ou enfin à l’hôpital
général.
Les demoiselles Besse et Pellet restent
longtemps aux nouvelles catholiques de Paris sans céder, on les
envoie dans un couvent d’Ancenis, et l’évêque de cette ville reçoit
de Pontchartrain cette instruction : «
On leur donne
trois mois
pour se rendre raisonnables, à la suite desquels on
les mettra à
l’hôpital général
pour le reste de leurs
jours. »
Avec le désordre des temps, dit Michelet, que
devenait une femme à l’hôpital, dans cette profonde mer des
maladies, des vices, des libertés, du crime, la Gomorrhe des
mourants ?
On faisait tout pour ne pas être jeté dans ces
maisons de mort qu’on appelait alors des hôpitaux ; ainsi, en
temps de famine il fallait que les troupes fissent des battues pour
ramasser les vagabonds et les mendiants, préférant la mort à
l’hôpital.
Là, couchaient côte à côte, dans le même lit,
cinq ou six malheureux, parfois plus, les sains avec les malades,
les vivants avec les morts qu’on n’avait pas toujours le temps
d’enlever ; dans ces foyers d’infection toute maladie
contagieuse, se propageant librement, s’éternisait ; – à
Rouen, en 1651, plus de 17 000 personnes furent enlevées par la
peste dans les hôpitaux. L’hôpital de la Santé, dit Feillet,
n’était plus qu’un sépulcre, les pauvres qui
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