Les joyaux de la sorcière
j’ai encore quelque chose à dire…
— Et moi je ne veux plus rien entendre ! Dehors, imposteur, vil menteur ! Vous n’êtes venu que pour rejoindre votre complice et préparer avec lui d’autres mauvais coups ! Il faut avoir la stupidité des Belmont pour vous recevoir mais ils vont bientôt savoir…
Folle de rage, elle se précipita sur lui mais il eut le réflexe de saisir au vol des mains dont les ongles aigus visaient son visage et la réexpédia sur son canapé.
— En voilà assez ! ordonna-t-il. Vous êtes cinglée ma parole et il serait temps de vous faire soigner ! On dit que ce collier vous met en transe et je commence à croire que c’est vrai !
— Oui, c’est vrai ! Mais il ne m’inspire que la vérité et la justice.
Elle semblait rassembler ses forces pour une nouvelle attaque mais à cet instant le collier se détacha de son cou et tomba sur le tapis. Vivement baissé, Aldo le ramassa puis dédia à Alice un sourire narquois :
— Voyons votre discours quand vous ne le portez plus ?
Elle se rua de nouveau sur lui mais il la repoussa d’une main tandis que l’autre approchait le bijou de ses yeux. Un détail venait d’attirer son attention.
— Tenez-vous tranquille et laissez-moi regarder !
Le ton froid de Morosini la calma :
— Qu’est-ce que vous voulez regarder ? Rendez-le-moi !
— Un instant, vous dis-je !
De sa poche, il tira la petite mais forte loupe de joaillier qui ne le quittait jamais et examina la relique de Tout-Ank-Amon. L’impression rapide qu’il avait eue l’instant précédent était la bonne. Il rangea sa loupe et rendit le bijou.
— Pouvez-vous me dire pour quelle raison un célèbre archéologue aurait pris la peine de voler et de cacher un faux ?
Il crut qu’elle allait s’étrangler :
— Un faux ?… Vous rêvez, coassa-t-elle. Je l’ai reçu des mains mêmes de lord Carnavon !
— Pas celui-là en tout cas ! Ce collier qu’on vous a offert ne pouvait être qu’authentique mais si c’est celui-là que vous avez retrouvé chez Vidal-Pellicorne, je peux vous certifier qu’il n’a jamais vu Tout-Ank-Amon. Si vous ne me croyez pas faites appel à vos joailliers. Ensuite vous pourrez retirer votre plainte : elle est à la fois injuste et injustifiée.
— Non. Ce n’est pas clair. Il l’avait peut-être apporté pour le mettre à la place du vrai ?
— Comme c’est vraisemblable ! Vous lisez trop de romans, Madame, et je vais vous laisser à vos réflexions mais, auparavant, je voudrais vous poser une dernière question… Avant de le jeter comme une robe qui a cessé de plaire, avez-vous aimé Adalbert ?
Elle porta soudain un intérêt passionné à ses ongles manucurés dont la laque pourpre était cependant sans défaut avant de soupirer :
— Oh… Je crois que je l’aimais bien ! Il était tellement drôle… et aussi tellement commode.
— Commode ? reprit Aldo choqué par le mot.
— Évidemment ! Il savait tant de choses, tant d’histoires ! L’écouter évoquer les grandes figures de ma chère Égypte était un vrai bonheur ! Il a dû beaucoup lire ? ajouta-t-elle en fronçant les sourcils…
— Madame Obolensky, laissa tomber Aldo exaspéré, on ne donne pas la Légion d’Honneur, les Palmes académiques et un siège à l’Académie des Sciences à un monsieur qui se contente de feuilleter des bouquins de vulgarisation d’un doigt distrait et dans le seul but de vous en mettre plein la vue !
— Oh, les décorations, il y a tellement de gens qui en portent sans y avoir droit !
Pouvait-on vraiment être aussi belle, aussi entêtée et aussi idiote ? Pour la première fois de sa vie Aldo eut envie de battre une femme. Rien que pour voir si le grelot qu’elle avait à la place du cerveau se mettrait à tinter… Abandonnant la partie, il s’inclina brièvement et entreprit de traverser l’archipel de tapis orientaux qui couvrait le sol de marbre à la fois pour sortir et pour voir quelle était la cause du vacarme qui venait d’éclater dans le vestibule mais il n’eut pas le temps d’atteindre la porte. Celle-ci s’ouvrit si brusquement qu’il faillit la recevoir en pleine figure tandis qu’une voix – inoubliable pour lui ! – clamait :
— On me dit que tu es là ma fille ?… Mais oui tu es là ! Quelle chance ! Tu vas pouvoir t’occuper de tous les détails. À condition bien entendu de changer de tenue : c’est assez joli ce lin plissé
Weitere Kostenlose Bücher