Les joyaux de la sorcière
Scapia qui le fascine. Ils se ressemblent. Est-ce qu’il a un pied-à-terre en Angleterre ?
— Mieux : un manoir dans les environs d’Oxford mais quand il ne reste à Londres qu’un jour ou deux, il descend au Savoy. Je ne vous cache pas que le personnage me déplaît et que j’aimerais assez l’inculper d’un méfait quelconque mais dans l’état actuel de la question il n’y a rien.
— Et pourtant, soupira Morosini, je mettrais ma main au feu qu’il trempe jusqu’au cou dans cette affaire. Et peut-être même détient-il ce que je cherche.
— Difficile à prouver ! Apparemment il n’y a pas possibilité de l’impliquer dans le crime de Bagheria sinon il aurait les bijoux en sa possession depuis cette nuit-là et, par définition, la Solari ne les aurait jamais eus.
— C’est logique, seulement, il a pu les voir, ce soir-là, et les rechercher par la suite. Sait-on comment ils sont entrés dans l’écrin de la diva ?
— Comment savoir ? Son protecteur de l’époque, un banquier milanais, jurait les lui avoir connus depuis le début de leur relation. Son habilleuse et sa femme de chambre aussi. Ce seraient des bijoux de famille.
— De quelle famille ? Là est la question.
— Ce n’est pas mon avis. Il est normal que vous cherchiez à travers l’Histoire les tenants et les aboutissants mais, à mon sens personnel, la question serait plutôt où sont-ils passés depuis Covent Garden ?
— Évidemment. Pourtant, croyez-moi, leur parcours depuis Florence est loin d’être indifférent. Et Dieu sait si celui-là est difficile à retracer ! J’ai la certitude qu’en venant en France épouser Henri IV, Marie de Médicis les possédait. Cependant ils ne sont jamais entrés dans les coffres des Joyaux de la Couronne de France. Donc la Reine s’en était défait. Au profit de qui et pour quelle raison ? Peut-être vers la fin de sa vie quand elle vivait dans une embarrassante gêne financière.
— Ils ont pu être volés aussi ?
— Pourquoi pas ? Et je n’ai aucun moyen de le savoir.
— Encore une fois ce n’est pas si important !
— Si, parce que souvent les descendants des possesseurs momentanés considérant qu’ils appartiennent à leur héritage, se lancent à leur recherche sans se soucier autrement des moyens de les récupérer. J’en ai eu un exemple chez moi quand feu sir Eric Ferrals décidait de se procurer ce qu’il appelait lui l’Étoile bleue parce qu’au XVII e siècle elle avait valu les galères à son ancêtre protestant. Mais ma mère a été assassinée par celui qui voulait la lui vendre. Certes ce n’est pas sir Eric qui lui a fait avaler le poison mais il s’est trouvé être le meurtrier indirect. Vous m’avez dit que l’assassin de la Solari avait été retrouvé dans la Tamise où il n’est pas entré de son propre chef : ce qui signe un commanditaire et, même si vous n’avez relevé aucun indice menant à Ricci, vous ne m’enlèverez pas de l’esprit qu’il a donné les ordres. Justement parce qu’il s’appelle Ricci. Vous dites qu’il possède un manoir aux environs d’Oxford ? Où exactement ?
Warren fronça le sourcil et fit toute une affaire de tapoter sur son bureau les feuillets d’un dossier pour qu’aucun ne dépasse les autres :
— Si je vous le dis, vous allez y courir et vous fourrer peut-être dans un guêpier dont je n’aurai probablement aucun moyen de vous tirer. Surtout si vous vous faites pincer ! Vous vous retrouverez en prison parce que devant la loi, il n’y a pas d’amitié qui tienne…
— Vous me croyez si maladroit ?
— Non. Je crois surtout que vous feriez fausse route parce que Ricci est Américain, qu’il vit outre-Atlantique beaucoup plus souvent que chez nous et que s’il a les bijoux il ne les a sûrement pas laissés sur le sol britannique.
— Pourquoi pas ? Ce ne doit pas être facile de sortir des pièces de cette importance ?
Un sourire féroce étira les coins de la bouche du Superintendant :
— Il a des relations… et nous l’équivalent de votre valise diplomatique ! En outre, je vous rappelle qu’il a fait construire l’équivalent de votre palais Pitti. Ça me paraît le cadre tout indiqué pour la parure d’une grande-duchesse de Toscane.
Morosini ne répondit pas. C’était assez juste et le raisonnement de Warren lui semblait marqué au coin du bon sens mais il ne pouvait s’empêcher de penser que le policier cherchait un moyen
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