Les joyaux de la sorcière
élégant de se débarrasser de lui. Surtout si Adalbert et son Américaine lui posaient déjà un problème quelconque. Il choisit de changer de sujet :
— Vous ne voulez vraiment pas me dire ce qui se passe entre Vidal-Pellicorne, sa princesse… et vous ?
— Non. Je regrette. Si vous allez le lui demander gentiment il vous le dira peut-être ?
— Gentiment ? Vous auriez dû le voir hier soir : autant essayer d’arracher son os favori à un molosse ! Allons, je vous ai suffisamment ennuyé ! Il est temps que je vous laisse à vos travaux.
— Vous partez ?
Il y avait dans la voix du policier une lueur d’espoir. Aldo haussa des épaules désabusées. Une attitude qu’il savait très bien prendre pour donner le change.
— Pas dans la minute mais je ne vais pas tarder. Ma femme m’attend à Paris et elle a hâte de rentrer à la maison.
Un grand sourire illumina le visage de Warren traduisant un net soulagement.
— Quand la maison en question est un palais sur le Grand Canal on peut la comprendre. Offrez-lui, s’il vous plaît, mes hommages admiratifs… et vous, je vous souhaite bon voyage !
Ainsi expédié – le terme était à peine exagéré ! – Aldo quitta Scotland Yard sans esprit de retour. Il se sentait plein d’amertume : après Adalbert, Warren lui claquait dans les mains. Il se retrouvait seul et ce n’était pas vraiment agréable ! Cela devint même si pénible soudain que, pris d’un violent désir de retrouver Lisa, la chaleur de son sourire et de son regard violet, il eut envie de tout envoyer promener. Dès l’instant où il ne pouvait plus compter sur Adalbert obnubilé par une Américaine sans doute aussi folle que sa mère, où Warren lui refusait courtoisement son aide il ne lui restait plus qu’à prendre le premier bateau pour Calais, rejoindre la capitale française, son épouse et l’Orient-Express en direction de Venise. La situation dite « intéressante » de Lisa exigeait de lui qu’il lui consacre toute son attention et il repoussa loin de lui le touchant visage de Violaine Dostel condamnée certainement à brève échéance, à voir disparaître le modeste trésor que l’ancienne cantatrice lui avait légué. La vague impression de défaite qu’il ressentait passerait vite. Enfin… peut-être !
D’un pas nerveux, il franchit le seuil du Ritz fonçant dans la direction du comptoir du Courrier qui était l’homme chargé de la préparation des voyages des clients et traversa le hall. C’est alors qu’une jeune femme, assise au fond d’un fauteuil abrité par un palmier nain se leva vivement, le rejoignit, et posant une main sur son bras :
— Monsieur le Prince, s’il vous plaît…
Il opéra un quart de tour et reconnut avec surprise la jolie fille qu’il avait vue déjeuner au Ritz de Paris avec Aloysius C. Ricci. Mais cette fois elle était beaucoup moins gaie et les yeux qu’elle levait sur lui étaient pleins d’une angoisse à la limite des larmes.
— Vous me reconnaissez ? murmura-t-elle.
— Quand on vous a vue une fois il est difficile de vous oublier, dit-il gentiment. C’était à Paris et vous étiez à une table non loin de celle où je déjeunais avec Giovanni Boldini. Vous-même étiez en compagnie d’un Américain… pas très amusant si je ne me trompe.
— Vous ne vous trompez pas. Je vous en supplie, accordez-moi un peu de votre temps ! J’ai… tellement besoin d’aide ! ajouta-t-elle d’une voix mal assurée… Il y a si longtemps que je vous attends !
— Tant que ça ?
— Depuis hier. Je venais d’arriver à Londres pour demander secours à un ami… du moins je croyais que c’en était un, quand passant devant cet hôtel je vous ai vu y entrer. Alors j’y suis allée à mon tour, j’ai pris une chambre après m’être assurée que vous étiez bien descendu ici et, ce matin, je me suis établie dans ce hall. Vous veniez de partir j’ai donc attendu votre retour.
— D’où veniez-vous ?
— D’un château près d’Oxford où j’ai réussi à prendre un train pour Londres. Je parle à peine l’anglais et ça n’a pas été facile mais il fallait que je m’en aille… le plus loin possible !
Morosini remit à plus tard de lui en demander la raison. Il se contenta de remarquer :
— Vous êtes française ? Pourquoi n’avoir pas pris le train pour Douvres ?
— Parce que c’est à Paris qu’Aloysius me cherchera en premier. Il ne peut pas imaginer que
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