Les "Larmes" De Marie-Antoinette
professeur Ponant-Saint-Germain ! Comme vous voyez ! ajouta-t-elle montrant la cocarde bleue qu’elle avait mise dans son sac.
— Et alors ?
— C’est bizarre… Écoutez plutôt !
Son impressionnante mémoire lui permit de restituer presque mot pour mot ce qui s’était passé dans le bosquet de la Reine sans oublier le vieux marquis et les garçons surgis si fort à point pour le jeter dehors.
— Un drôle de procédé pour une paisible association de thuriféraires de Marie-Antoinette ! Le « maître » se fait garder et je suis persuadée qu’il y en avait d’autres en dehors de ceux que j’ai vus !
Tirant son mouchoir, elle le déplia pour montrer les quatre mégots qu’elle sépara en deux groupes du bout de son doigt ganté :
— Ceux-là viennent de la petite pièce de verdure d’où sont sortis les deux hommes mais ceux-là, je les ai trouvés dans une autre située en face de la première.
— Vous, vous avez lu Sherlock Holmes ! dit Aldo amusé. Il n’empêche que vous avez fait du bon travail car aucun de ces débris n’est semblable à l’autre. Donc il y avait au moins quatre hommes pour surveiller votre intronisation ! Pour quelle raison ?
— C’est ce qu’il faudrait savoir ! Quel besoin a ce vieux fou de prendre des gardes du corps ? Il n’a rien à cacher, j’imagine ?
— Et… ce marquis des Aubiers, vous ne le connaissez pas, vous qui cousinez avec au moins la moitié de l’armorial ?
— Non, mais peut-être notre marquise ? Avec elle nous arrivons largement aux trois quarts…
Interrogée quelques minutes plus tard, M me de Sommières après un instant de réflexion, déclara :
— Non, ce n’est pas un cousin mais je le connais. Ou plutôt je l’ai connu quand il était en poste à Vienne. Un homme charmant qui, si j’ai bonne mémoire, se passionnait pour Louis XVI, sa famille et surtout la Reine, qui semblait exercer sur lui une sorte de fascination. S’il habite Versailles comme tout le laisse supposer, il pourrait être intéressant de renouer avec lui. Cherchez-moi son adresse, Plan-Crépin !
— Une rencontre fortuite serait peut-être mieux venue, conseilla Aldo. La soirée a lieu après-demain et nous y serons tous. Il devrait normalement y être aussi ?
— On saura ça bientôt ! Après le déjeuner, je vais aller consulter la liste des invités…
Bien que le temps fût radieux et que l’on eût choisi une table sous les arbres, le déjeuner en question ne fut pas gai. D’entrée de jeu Caroline remercia M me de Sommières de son hospitalité et fit connaître son intention de rentrer chez elle l’après-midi même. Ce qui ne souleva pas une tempête de protestations. Aldo savait à quoi s’en tenir et ne broncha pas. Marie-Angéline, occupée à bâtir mentalement une sorte de roman autour du bosquet de la Reine, se contenta de lever un sourcil surpris. Quant à Adalbert, reparti momentanément pour Paris afin d’y régler une affaire, il brillait par son absence. Seule la marquise, avec cette bonté qui formait le fond de son caractère et qu’elle montrait si rarement, s’étonna d’une aussi soudaine décision :
— Pensez-vous vraiment supporter la vie dans une maison qui, voici peu, vous faisait peur avec juste raison ?
— Ce n’est pas la première fois qu’il s’y passe des choses bizarres et jusque-là je les supportais sans trop de peine. Je ne sais ce qui m’a pris de m’affoler comme je l’ai fait. Mes nerfs sans doute m’ont joué un mauvais tour mais grâce à vous maintenant je me sens redevenue sereine et il est temps que ma vie reprenne son cours normal.
Elle s’exprimait d’un ton monocorde, comme si elle récitait une leçon. Ce qui agaça Morosini :
— N’y a-t-il personne qui puisse venir habiter avec vous ? C’est votre solitude qui nous inquiète.
— Ne vous y trompez pas : j’aime la solitude, répondit-elle avec un sourire qu’il jugea artificiel parce qu’il n’atteignait pas les yeux, curieusement ternes, qu’elle fixait sur lui. J’aime aussi ma maison. En outre, je n’y serai pas seule longtemps. La lettre que vous m’avez remise ce matin est de mon cousin Sylvain. Il m’annonce son retour-
Cette fois, elle avait réussi à créer la surprise.
— Votre cousin Sylvain ? Je croyais que vous l’aviez perdu de vue depuis longtemps et que vous ignoriez ce qu’il était devenu ? C’est du moins ce que vous avez dit à la
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