Les "Larmes" De Marie-Antoinette
police ?
— Justement parce que c’était la police. Il était si loin que se mettre à sa recherche eût compliqué les choses… sans servir à quoi que ce soit.
— Vous nous l’avez dit à nous aussi, coupa Aldo sévère.
— Je ne mentais qu’à peine. J’ai longtemps ignoré où il était au juste. C’est grand, l’Amérique du Sud et, en fait, c’est ce matin seulement que j’ai pu le situer. Maintenant tout est bien… et d’ailleurs nous allons nous marier…
Toujours cette impression de récitation. Caroline débitait ses mots avec une sorte d’indifférence sans montrer la moindre joie à l’approche d’un événement important dans la vie d’une femme. M me de Sommières, qui l’observait avec attention, entra dans la comédie :
— Voilà au moins une heureuse nouvelle ! Et qui nous rassure puisque vous allez retrouver un protecteur naturel, ajouta-t-elle, les yeux sur Aldo, avec une nuance interrogative à laquelle il répondit par un haussement d’épaules. Et je suppose que vous l’aimez ?
— Oh oui !… Il est très beau ! dit-elle sans la moindre conviction.
La bizarrerie de son comportement finit par arracher Marie-Angéline à ses élucubrations romanesques :
— Et il rentre quand, ce cousin si beau ? Au fait, vous n’auriez pas une photographie ?
Caroline tourna vers elle un regard qui n’avait plus l’air de la voir :
— Non… Sylvain a toujours détesté les photographies. Il dit… qu’elles peuvent voler une âme. Du moins en partie… Il n’en a pas non plus de moi. C’est mieux ainsi !
— Vous n’avez pas répondu à la question de M lle du Plan-Crépin ? reprit Aldo. Pour quand annonce-t-il son retour ?
— Sous peu, je pense… Il doit être en mer à cette heure !
M me de Sommières fit observer qu’une traversée de l’Atlantique depuis Buenos Aires demandait un certain temps et que Caroline pourrait peut-être rester encore quelques jours avec eux… M lle Autié alors se leva sans même achever son assiette.
— Non…, non, il faut que je rentre et le plus tôt sera le mieux, dit-elle soudain fébrile. Merci de toutes vos bontés, madame la marquise ! Je vais préparer mes affaires et demander un taxi…
— Ne prenez pas cette peine. Ma voiture vous ramènera ! Aldo, veux-tu faire dire à Lucien qu’il se tienne prêt ?
— Encore merci !
Elle était déjà partie alors qu’Aldo ne s’était pas encore levé de son siège. Ils regardèrent la jeune fille s’engouffrer dans l’hôtel et disparaître.
— Que dites-vous de cela ? émit Marie-Angéline médusée. Elle laisse son déjeuner en plan, dit merci et se sauve comme si nous allions la poursuivre. Et pas le moindre au revoir !
— Il est certain que cette fille n’est pas normale. Elle a changé d’un seul coup ! remarqua M me de Sommières.
— C’est cette foutue lettre ! grogna Morosini. J’aurais dû mettre de côté mes grands principes et en prendre connaissance avant de la lui remettre…
— Sans aucun doute, approuva la vieille dame. Plan-Crépin, allez donc l’aider à faire sa valise ! Telle que je vous connais vous êtes tout à fait capable de dénicher ce poulet galant et d’y jeter un œil, non ?
— Si ! Vous avez entièrement raison. J’y vais.
Elle quitta la table en même temps qu’Aldo. Il allait prévenir Lucien. Tante Amélie restée seule se fit apporter un saint-honoré qu’elle dégusta lentement avec une dernière coupe de champagne. Dans un sens, elle était assez satisfaite que cette fille eût choisi de couper les ponts avec Aldo qu’elle prétendait aimer trois heures plus tôt, même si cela égratignait son amour-propre masculin. D’autant que c’était vraiment une bien jolie créature et que… bon ! En voilà une au moins qui ne risquerait pas de troubler les nuits de Lisa et c’était toujours ça de pris !
Aldo revint rapidement mais on en était à la seconde tasse de café quand Marie-Angéline reparut, l’air préoccupé.
— Eh bien ? s’enquit Aldo.
— Elle a refusé mon aide en disant qu’elle avait trop peu de bagages pour ne pas s’en tirer seule. Évidemment elle n’est pas allée jusqu’à me mettre à la porte. Pour gagner du temps j’ai essayé de la faire revenir sur sa décision. Sans succès, bien entendu, mais j’espérais pouvoir mettre la main sur la lettre. Je n’ai pas réussi davantage. En revanche j’ai péché ça dans la
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