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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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absolument pas de quoi tu parles… En tout cas, tu dois te tromper de personne. Je n’ai rien contre toi et je ne t’ai jamais fait de mal…
    – Menteuse ! Tu n’es qu’une sale menteuse ! hurla Annaïg en se redressant, le visage congestionné et baigné de larmes, les cheveux en désordre s’échappant de sa coiffe. Tu as dû lui raconter des histoires, lui dire du mal de moi. Il n’aurait pas changé à ce point… Tu lui as mis des idées dans la tête et il t’a crue !
    – Calme-toi, Annaïg. Je t’assure que je ne comprends rien à tes paroles. De qui parles-tu ? À qui aurais-je raconté des histoires à ton sujet ?
    – Tu le sais bien ! s’emporta encore la jeune fille en trépignant, au comble de la rage. Cela fait longtemps que je te vois venir, avec tes ruses et tes manigances… Et en plus, tu oses me narguer ! Cela ne te suffit pas de briser ma vie ? Il faut encore que tu te moques de moi ?
    Gwenn n’en revenait pas. Elle avait pris sur elle pour venir consoler cette petite mijaurée qui, en guise de remerciements, l’accablait de reproches et l’accusait de crimes imaginaires. Si elle s’était écoutée, elle lui aurait flanqué une gifle pour lui apprendre les bonnes manières. Mais cela n’aurait sans doute fait qu’envenimer les choses. Il valait mieux garder son calme et tenter de deviner les raisons qui avaient amené Annaïg à se rendre au lavoir en pleine nuit et à se répandre en larmes.
    Soudain, dans une fulgurance, Gwenn comprit. Elle comprit la cause de la colère d’Annaïg, qui alimentait également son chagrin. Elle comprit aussi à qui la jeune fille faisait allusion dans ses propos décousus.
    Philippe.
    Gwenn connaissait la réputation du jeune homme. Philippe de Montfort était beau garçon, bon cavalier et l’unique héritier des biens et des terres de Ker-Gaël. Il avait à lui seul tous les attributs du prince charmant. Il ne pouvait qu’entretenir les rêves et les idéaux des jeunes filles en mal d’amour. Annaïg s’était amourachée du beau Philippe, comme toutes les autres. Elle s’était inventé une romance à son sujet, s’était imaginé que le jeune aristocrate la rejoindrait ce soir, près du lavoir, selon le rituel des amants. Avait-elle échangé quelques mots avec lui ? Avait-elle interprété ses paroles et cru à une invitation galante ? Elle s’était en tout cas suffisamment convaincue des intentions qu’elle prêtait au jeune homme pour venir l’attendre ici, sous la lune veillant de sa clarté complice sur des amours naissantes qui n’existaient que dans son esprit.
    Ce n’est pas sous ce jour, toutefois, que Gwenn voyait le jeune aristocrate. Il ne l’avait jamais traitée autrement qu’avec égards et respect. Il était brillant et promis à un bel avenir. Il n’avait pas de temps à perdre pour conter fleurette à tout bout de champ. Il avait, bien entendu, ses faiblesses. Il était parfois hautain, s’emportait facilement lorsqu’on lui résistait, et était sujet à d’étranges crises nerveuses qui le laissaient sans connaissance. Il n’avait pas peur d’afficher des opinions ou des points de vue qui faisaient grincer les dents autour de lui, comme lorsqu’il affirmait que les Allemands qui occupaient la France et la Bretagne n’étaient pas des ennemis, mais des sortes de lointains cousins en visite. Le fait qu’il ne se rebellât pas contre l’occupant et qu’il condamnât les faits de résistance qui se multipliaient dans le pays lui avait mis à dos, exception faite des porteuses de jupon, le pays entier.
    Gwenn déplorait ces déclarations à l’emporte-pièce, qui témoignaient davantage, selon elle, d’un sens aigu de laprovocation que d’une conviction profonde, mais elle ne s’arrêtait pas à ces accusations. Elle connaissait, croyait-elle, le cœur de son ami, et aurait juré sur sa vie que jamais il n’eût été capable de commettre une vilenie, une lâcheté ou un crime.
    Il n’aurait pas non plus cherché à jouer avec les sentiments d’une jeune fille. Quoi qu’Annaïg ait pu s’imaginer, Philippe n’était pas venu, et la jeune fille s’était sentie trahie, rejetée, humiliée par celui dont elle attendait tous les bonheurs. Elle se figurait que la désertion du jeune homme avait été encouragée, voire manigancée, par l’orpheline. Elle projetait à présent sur elle sa frustration et sa déception. Annaïg n’était pas méchante, au fond. Ce n’était encore

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