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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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au-dessus des arbres. C’était si beau à voir, si reposant. J’espérais entendre encore le rire des lavandières. Et même s’il s’était agi des lavandières de la nuit, je les aurais rejointes. Et même si elles m’avaient tordu les bras en même temps que leur linge ensanglanté, je me serais laissé faire. Et même si elles m’avaient entraînéavec elles au fond du lavoir, je les aurais suivies… Cela aurait été mon dernier bain. On m’aurait repêché le lendemain matin, propre comme un sou neuf. Le charbonnier et les lavandières de la nuit : cela aurait fait un joli conte pour les enfants.
    Loïc eut un ricanement désabusé, puis se tut. Gwenn l’écoutait toujours, sans bouger ni dire un mot. Il finit par reprendre son soliloque.
    – Et puis je l’ai vue arriver, elle. Celle qui me traite toujours de vilains noms. Elle était seule. Elle s’est assise au bord de l’eau. Avec sa jolie coiffe, ses jupons blancs et son panier rempli d’herbes sauvages, elle semblait si douce. J’ai eu envie de m’approcher. Mais je n’ai pas osé. Le jour, les railleries des jeunes filles font mal. La nuit, c’est pire encore. J’ai eu peur… Peur de vouloir me venger d’elle, à cause de tous ces mots qu’elle me jette au visage chaque fois qu’elle croise mon chemin. Peur de lui faire du mal. C’est méchant, parfois, les bossus. Surtout quand ils n’ont plus d’espoir. Et l’eau du lavoir est si froide, la nuit. Froide et profonde… Alors je n’ai pas bougé. Je suis resté dans l’ombre, à la regarder, comme un chien.
    Le charbonnier semblait se parler à lui-même. Jamais, peut-être, il n’en avait autant dit. Gwenn l’écoutait, attentive à ne pas esquisser le moindre geste qui aurait pu l’effrayer et le pousser à s’enfuir de nouveau. Il était un animal qu’il lui fallait apprivoiser.
    – C’est alors qu’il est arrivé. Le cavalier. Il est descendu de son cheval, mais il a fait comme si l’autre n’était pas là. Il ne semblait voir que son cheval. Il lui parlait comme à une femme. La fille, elle le regardait comme si c’était le bon Dieu. Mais lui, il ne la voyait même pas. Alors, elle a fini par lui parler. Elle lui a dit…
    Loïc s’arrêta brusquement. Il avait les sourcils froncés, et ses mains tremblaient légèrement. Gwenn comprit qu’il éprouvait une émotion forte qui le paralysait et l’empêchait de poursuivre son récit.
    – Que lui a-t-elle dit, Loïc ?
    Le bossu sembla sortir de sa léthargie et posa enfin les yeux sur Gwenn. Ses lèvres frémissaient.
    – Je ne peux pas… Je ne peux pas le dire…
    – Pourquoi, Loïc ? Était-ce si grave, ce qu’Annaïg a dit ?
    – Je ne peux pas ! Je l’ai entendue, mais je n’aurais pas dû. Je n’aurais pas dû être là. Je n’avais pas le droit. Je m’excuse… Je ne l’ai pas fait exprès. Ce n’était pas ma faute. Non, pas ma faute…
    Le charbonnier se tordait les doigts.
    – Et Philippe, comment a-t-il réagi à ce qu’a dit Annaïg ? interrogea Gwenn.
    Loïc roulait des yeux fous, comme une bête traquée.
    – Il est parti ! Il a sauté sur son cheval et il est parti, la laissant seule en train de pleurer. Et puis vous êtes arrivée…
    Gwenn ne savait pas que penser de cette succession d’événements dénués de sens. Pourquoi Philippe s’était-il trouvé au lavoir ? Était-ce un hasard ou avait-il réellement rendez-vous avec Annaïg ? Et si tel était le cas, pourquoi n’avait-il prêté aucune attention à la jeune fille ? Pourquoi était-il parti dès qu’elle lui avait confié ce que le bossu refusait de répéter ? Son ami avait-il un secret dont il ne lui avait jamais parlé ? Tout cela était bien mystérieux. Et inquiétant. Mais elle n’en apprendrait pas davantage cette nuit. Loïc était trop bouleversé pour lui révéler la confidence qu’il avait surprise. Il était à bout de nerfs. À défaut d’avoir pu consoler Annaïg, Gwenn pouvait encore tenter d’apaiser le bossu.
    – Ne pense plus à tout cela, Loïc. Tu as raison, ce n’était pas de ta faute. Tu étais là sans l’avoir voulu. Et si tu asentendu une chose qui devait demeurer secrète, eh bien, le plus simple est de l’oublier, voilà tout.
    Elle lui prit les mains et les serra entre les siennes jusqu’à ce qu’il se calme un peu.
    – Il est tard, Loïc. Je dois rentrer, sinon Yann va s’inquiéter. Tu devrais faire la même chose et aller dormir.
    Il la regarda

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