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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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Agnès,
    Prends pitié de nous.
    Le père Jean poursuivait sa litanie, en faisant un effort pour se concentrer sur le nom des saints et des saintes dont il réclamait l’intercession. Mais il ne pouvait s’empêcher d’être soucieux. L’absence d’Annaïg à la messe de ce matin l’avait tout d’abord déçu. Il avait pensé que la jeune fille était plus volage et insouciante qu’il n’avait cru. Le pardon accordé par le prêtre avait dû lui suffire. Elle n’avait pas souhaité confirmer son repentir en assistant à cet office austère. Peut-être s’était-elle écroulée d’épuisement aprèss’être confiée à sa mère, comme il le lui avait conseillé, et ne s’était pas réveillée à l’heure. Ou bien elle avait jugé préférable de s’en aller directement au doué pour y laver son linge. La petite avait besoin de travailler. Les raisons de la défection d’Annaïg ne manquaient pas, et pourtant le prêtre ne pouvait s’empêcher de s’interroger. À la déception avait succédé l’inquiétude. Une inquiétude sourde, qui le taraudait.
    Saint Grégoire,
    Prends pitié de nous.
    Saint Augustin,
    Prends pitié de nous.
    Saint Athanase,
    Prends pitié de nous.
    Soudain, la porte de l’église grinça. Quelqu’un s’apprêtait à entrer, bien que la messe fût bientôt terminée. Le père Jean leva la tête, persuadé qu’il s’agissait d’Annaïg qui s’acquittait enfin de sa promesse. Elle était en retard, mais c’était l’intention qui comptait. Il se souvenait de la parabole du Christ dans l’Évangile selon saint Matthieu à propos des ouvriers de la onzième heure, qui reçoivent un salaire égal à ceux de la première heure. Peu importe le moment où l’on se décide. L’important est d’être présent.
    Le recteur esquissa un sourire qui se figea aussitôt. Ce n’était pas Annaïg qui venait de pénétrer dans la nef, mais ce mécréant de Levasseur. Oh, ce n’était pas un mauvais homme, au contraire, mais il avait des manières grossières, fumait comme un sapeur, buvait plus souvent qu’à son tour et ne fréquentait jamais l’église. Que venait-il faire ici ?
    Saint Basile,
    Prends pitié de nous.
    Saint Martin,
    Prends pitié de nous.
    Saint Benoît,
    Prends pitié de nous.
    Le père Levasseur s’approcha à pas lourds. Son arrivée n’était pas passée inaperçue, et les vieilles bigotes se retournèrent sur leurs chaises pour observer celui qui se permettait d’interrompre leur messe. Mais le marchand de charbon ne leur prêtait aucune attention. Il se dirigeait tout droit vers l’autel, le visage grave, les sourcils froncés, comme s’il était porteur d’une mauvaise nouvelle. Le curé pressentit qu’un grand malheur venait de se produire.
    Saint François et saint Dominique,
    Prends pitié de nous.
    Saint François Xavier,
    Prends pitié de nous.
    Saint Jean-Marie Vianney,
    Prends pitié de nous.
    La litanie des saints touchait à sa fin. Le prêtre voulait la réciter jusqu’au bout, même s’il avait hâte de connaître la raison de l’irruption insolite du marchand de charbon dans son église.
    En réalité, il redoutait de la connaître déjà.
    Sainte Catherine de Sienne,
    Prends pitié de nous.
    Sainte Thérèse d’Avila,
    Prends pitié de nous.
    Vous tous, saints et saintes de Dieu,
    Montrez-vous favorables,
    Délivrez-nous de tout mal, de tout péché et de la mort éternelle.
    Le curé fit un dernier signe de croix et, sans prendre le temps de donner sa bénédiction pour conclure la cérémonieet de procéder aux annonces habituelles concernant la vie de la paroisse, il descendit les trois marches qui séparaient l’autel de l’assemblée des fidèles et fit signe au père Levasseur d’approcher.
    – Que se passe-t-il, mon fils ? chuchota le recteur.
    Le marchand de charbon avait la gorge serrée. Derrière lui, il entendait les bonnes femmes s’agiter sur leurs sièges, frustrées de cet office écourté.
    Il finit par se décider. Sa grosse voix bourrue résonna dans toute l’église.
    – C’est Annaïg, mon père…
    Le père Jean sentit une angoisse lui mordre le ventre.
    – Annaïg Le Borgne ? Que lui est-il arrivé ?
    Le marchand de charbon hésita une seconde, puis lâcha d’un seul coup, comme on se débarrasse d’un fardeau trop lourd à porter :
    – Elle s’est noyée dans le lavoir, mon père.

22
    – Qu’en pensez-vous, chef ?
    Le brigadier-chef de gendarmerie Bouchard tortillait

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