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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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dans leurs gîtes respectifs dans la forêt. Il était tard et Yann dormait déjà, ce qui avait évité à la jeune fille une confrontation qu’elle préférait retarder. Elle avait eu son content d’émotions dans la journée. Avant l’aube, comme chaque jour, elle s’était levée la première et était revenue au lavoir où l’attendait la macabre présence.
    Gwenn réfléchissait aux explications possibles de cette mort inattendue. La nuit passée, elle s’était étonnée de l’hostilité qu’Annaïg avait manifestée à son égard. Ses relations avec Philippe en étaient la cause, comme le lui avait confirmé Loïc, mais la colère de la fille de Dahud était disproportionnée. Si elle avait volontairement mis fin à ses jours à cause de l’amour non partagé qu’elle portait au jeune aristocrate, alors cela signifiait que, sans le vouloir, Gwenn avait sa part de responsabilité dans cet acte désespéré. En essayant de la calmer et de lui faire entendre raison, Gwenn n’avait fait que raviver la déception et le chagrin d’Annaïg. Peut-être que, sans son intervention, l’amoureuse éplorée ne se serait pas emportée comme elle l’avait fait et n’aurait pas fini noyée dans l’eau glacée du lavoir. C’est pourquoi elle était restée là, dans le petit matin pluvieux, à veiller sur elle.
    Au loin, elle entendit tinter le carillon de l’église. Le village devait déjà savoir ce qui s’était passé. Les quatre lavandières avaient dû donner l’alerte. Le lavoir deviendrait un objet tout à la fois d’effroi et de curiosité. Des noyés, on en voyait souvent en Basse-Bretagne, près des rivages de l’océan. Mais en forêt de Brocéliande, c’était chose beaucoup moins courante. À l’exception des crapauds qui parfois venaient crever dans l’eau du bassin et des légendes de voyageurs égarés immergés contre leur gré par les lavandières dela nuit, on n’avait jamais entendu parler dans le pays d’une telle façon de trépasser.
    Une grosse libellule aux ailes transparentes et aux pattes rayées de jaune vint se poser sur les mains jointes d’Annaïg. Gwenn savait que ces insectes gracieux, évoquant la silhouette de minuscules fées volantes, ne vivaient leur courte existence qu’à la belle saison, de la mi-mars à la fin octobre. Celle-ci était peut-être la dernière de l’année, venue rendre un hommage à la défunte. On eût dit un bijou. Une somptueuse bague qu’aurait glissée à son doigt son fiancé. Mais la libellule s’envola aussitôt et l’imaginaire alliance s’évanouit en même temps que le fantôme de l’impossible amant.
    Gwenn poussa un soupir. Comment réagirait Philippe lorsqu’il apprendrait le décès de la jeune lavandière qui l’avait aimé au point de se tuer pour lui ? La jeune femme se refusait toujours à croire que son ami d’enfance eût encouragé de quelque manière que ce soit les espoirs d’Annaïg. Mais il était bel et bien venu la rejoindre la veille au soir, comme l’avait affirmé le charbonnier, et l’avait quittée de façon brutale très peu de temps après. Quels secrets avaient-ils partagés, qui auraient pu justifier un tel drame ? Loïc avait entendu leur dialogue, mais n’avait pas voulu le répéter. À présent qu’Annaïg était morte, il serait sans doute obligé de révéler la nature de leurs échanges.
    Gwenn songea alors à Dahud. Elle n’était pas venue au lavoir ce matin, contrairement à ses habitudes. Pourquoi cette absence imprévue ? Sans doute ignorait-elle encore ce qui était arrivé à sa fille, sinon c’est elle qui aurait alerté le village. Gwenn eut une pensée pour cette mère et son chagrin lorsqu’elle apprendrait le décès de sa fille dans d’aussi tragiques circonstances. Elle qui ne cessait d’effrayer les jeunes lavandières en les mettant en garde contre les nuits sans lune, la veille de Samain, et les spectres noirs deslavandières de sang, voici qu’elle venait d’être rattrapée par les cauchemars qu’elle avait invoqués. Sa raison résisterait-elle à une telle épreuve ? Chacun savait Dahud sauvage et un peu folle. Cette folie risquait de se nourrir du drame qui la frappait. Ces sombres revenantes dont elle agitait sans cesse l’épouvantail étaient venues lui ravir sa fille unique. Elle préférerait certainement s’abriter derrière ces croyances plutôt que d’admettre que son enfant s’était suicidée, et qu’elle n’avait rien pu faire pour

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