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Les Lavandières de Brocéliande

Les Lavandières de Brocéliande

Titel: Les Lavandières de Brocéliande Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edouard Brasey
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maléfiques. Il fallait le traquer comme la bête sauvage qu’il était, le ligoter sur un bûcher et y mettre le feu. C’était laseule solution pour rendre au village la paix qui l’avait déserté.
    Dahud avançait sans se troubler, mais elle ne perdait pas une miette de ces chuchotements vindicatifs. Le village s’en prenait à Loïc, le mal aimé. Elle aurait dû s’en douter. Quant au père Jean, il priait intérieurement pour que les esprits échauffés se calment. Il connaissait, hélas, le cœur des hommes, et savait qu’en de telles circonstances il était plus facile d’accuser autrui et de céder à la violence plutôt que de s’en remettre à la sagesse et à la miséricorde de Dieu.
    Ils parvinrent enfin en vue du lavoir. Les gendarmes avaient chassé les curieux et avaient déposé le corps d’Annaïg à l’arrière de leur estafette. La matinée était bien entamée, mais la pluie continuelle et le ciel bas donnaient l’impression que la nuit dominait encore le monde.
    Le brigadier-chef Bouchard salua respectueusement Dahud en portant sa main droite à son képi.
    – Je vous présente toutes mes condoléances, madame. Je sais qu’il s’agit d’un moment pénible, mais je vais devoir vous demander de reconnaître le corps.
    Il fit un signe au gendarme Gaillard qui abaissa le drap afin d’exposer le visage blafard et cireux de la jeune fille.
    – Est-ce bien votre fille, madame Le Borgne ?
    Dahud étouffa un sanglot avant d’acquiescer d’un léger mouvement du menton.
    Le gendarme masqua aussitôt le visage de la morte. Bouchard se tourna vers le recteur :
    – Mon père, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Enfin, quand je dis une bonne nouvelle, c’est façon de parler, vu les circonstances…, se reprit-il aussitôt.
    Le curé balaya cette excuse d’un geste.
    – Le médecin est passé, n’est-ce pas ? Vous connaissez désormais la cause du décès ?
    Le gendarme hocha la tête.
    – Oui, mon père. Les conclusions du légiste sont claires. Il a écarté la thèse du suicide.
    – Dieu soit loué ! s’exclama le recteur en se signant rapidement. Je vais donc pouvoir organiser une messe de funérailles pour cette malheureuse dans trois jours. Et elle reposera dans le cimetière chrétien.
    Le brigadier-chef se racla la gorge, tout en observant Dahud du coin de l’œil.
    – Madame Le Borgne, je comptais vous poser quelques questions, mais je pense que cet interrogatoire peut attendre. Si nous n’intervenons pas très vite, j’ai peur qu’il n’y ait du grabuge. Les villageois sont nerveux.
    Dahud regarda le gendarme droit dans les yeux, le visage fermé.
    – Vous pensez comme eux que c’est Loïc qui a fait cela à ma fille ? Vous faites fausse route, brigadier. Le charbonnier ne ferait pas de mal à une mouche. Il est bien trop lâche pour ça…
    Le brigadier-chef fut désarçonné par cette réaction inattendue de la part d’une mère venant de perdre sa fille, et jeta un regard interrogateur au curé, qui d’une moue complice lui fit comprendre que, à la suite du choc qu’elle venait de subir, Maëlle n’avait plus toute sa raison.
    – Dans ce cas, s’il ne s’agit pas de Le Masle, qui pourrait être le coupable, selon vous, madame ?
    Dahud faillit céder à la tentation d’accuser Philippe de Montfort. Mais il aurait fallu parler de la grossesse, donc de l’avortement. Pour incriminer Philippe, elle devait s’y prendre autrement.
    – Non, brigadier, finit-elle par avouer d’un air las. Je ne connais personne qui aurait été capable de faire une chose pareille. Aucun être humain, en tout cas.
    Dahud se mit à alors à fredonner le chant des lavandières de sang :
    Tords la guenille
    Tords le suaire
    Des épouses des morts.
    Tords, tords toujours.
    La fontaine est claire
    Et se mouille de sang .

27
    Dahud, comme chaque jour ou presque, s’en allait à Ker-Gaël. Mais pour une fois, elle avait délaissé sa brouette de linge. Ce n’était pas la lavandière qui se rendait au château pour y glaner son gagne-pain, c’était la mère qui réclamait réparation pour la mort de sa fille.
    La pluie de Toussaint continuait à labourer les champs et faisait naître sur le sentier des mares boueuses que Maëlle évitait soigneusement, troussant le bas de ses jupes pour ne pas salir ses vêtements de deuil. Elle voulait être présentable lorsqu’elle se trouverait devant le baron.
    Tout en pressant le pas dans le chemin embourbé,

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