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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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chaudron, et comme un craquement plus net accroissait sa méfiance, Ogier contourna le bassin de granit rempli d’eau poussiéreuse ; il entra dans la loge et lâcha le récipient.
    — Tancrède !
    Elle gisait dans un indécent désordre de vêtements. Son agresseur venait de se relever et faisait front, livide, une dague à la main ; de l’autre il essayait de fourrer sa virilité dans son haut-de-chausses et n’y parvenait pas, ce qui l’encolérait davantage que d’avoir dû interrompre son viol.
    — Saint-Rémy !
    — Eh oui, Argouges… Comme empêcheur, toi alors, y a pas mieux. Mais tu peux l’enconner maintenant !… Je l’ai eue… Holà, prends garde : je suis armé, pas toi… Lève les mains… Recule… Encore… Encore, te dis-je !
    Ogier obéit. Il devait gagner du temps. Le malandrin semblait résolu à le tuer : il était un témoin gênant. Parler. Parler alors qu’armé, il l’eût agressé sans hésitation.
    — Avais-tu l’intention de l’étrangler après, comme Gersende ?
    Il n’obtint qu’un ricanement pour réponse.
    — Vois, Argouges.
    Le sexe de Didier sortait toujours de ses chausses, blanc dans la pénombre, roide, gluant ; la brute l’empoigna :
    — Plus gros et plus long que le tien. Normand… Non, ne baisse pas tes bras ou je te troue la panse… Sache-le : voilà plus de cinq ans que j’avais envie de foutre cette orgueilleuse pour lui faire passer de bon ou mauvais gré le goût des filles.
    — Elle est ta cousine au premier degré [212] . Dieu te voit et te juge !
    — Cousine ou non, Dieu ou non, inceste ou pas, tout ça n’est que bavardise… Recule encore, Argouges… Sais-tu comment je l’ai eue ? Eh bien, j’ai deviné qu’elle allait venir puiser de l’eau pour Roxelane… Je la guettais, accroupi derrière l’abreuvoir… J’avais fermé les contrevents et il faisait si noir qu’elle n’a rien vu… Je l’ai estourbie et me suis servi sur la paille.
    Fulgurant et destructeur, le poing d’Ogier jaillit vers cette face ombreuse où la concupiscence et la satisfaction triomphaient de la vigilance. Toutefois, quelque rapide qu’eût été cette gourmade, Didier était exercé au combat : il fit un bond et pivota. Le coup l’atteignit à l’épaule et glissa sur son surcot, inefficace, humiliant ; sa seule conséquence fut de boursoufler la grogne du malfaisant.
    — Sangdieu, tu as eu tort.
    — Bats-toi avec tes seules mains !… Allons, approche.
    — Ah ! non… Depuis que tu es ici, je passe toujours après toi… Cette fois, j’ai l’avantage et j’entends bien l’affirmer.
    — Espèce de linfar !… Ta lame ne fait aucune différence… La différence depuis toujours, entre nous, tu la dois à ta rusticité. Tu te prends pour un noble et tu n’es qu’un loudier [213]  !
    L’indignation d’Ogier, maintenant à son comble, venait de délivrer dans sa poitrine un démon jusque-là contenu. Son cœur martelait férocement ses côtes ; ses lèvres, sa gorge asséchées lui refusaient toute autre parole. Ruser. Tourner autour de l’adversaire. Lui laisser pour un temps l’avantage des actes. L’exaspérer. L’assommer et le traîner devant Guillaume !
    — Loudier ou non, tu ne sais pas ce que tu perds, Normand !… Vois son ventre, si tu peux… Par Dieu, le bien bel écu !
    Ogier surveillait cette main armée, ce regard délirant. Reculer encore et encore… L’abreuvoir… Il était entre eux. Le dépasser… Voilà… Laisser ce mécréant se saouler de paroles.
    — Je la guettais, te dis-je. Avec ces trois forains, j’avais la partie belle… Vous étiez-là-bas, à contempler leurs ferrailles… Nul ne m’a vu entrer… Quant à elle : rien senti ! Elle dort encore.
    — Avec quoi l’as-tu assommée ?
    — Mon arme favorite, toujours prête à servir dans la mangeoire du Blanchet : le manche d’un marteau enveloppé de laine… Elle est tombée comme une pomme mûre… Un trou noir… Au fait, il faut que je t’informe : de pucelage point… Je ne sais où elle l’a perdu. Sûrement pas avec toi !
    — Vierge ou non, peu me chaut : tu vas payer.
    Didier agita sa dague et s’esclaffa :
    — Payer, dis-tu ? J’aimerais bien savoir comment.
    Le damoiseau ne cessait de regarder cette lame mouvante. Il la connaissait bien. Pointue, brillante, insolente en sa simplicité : un seul tranchant, un dos très large qui la rendait triangulaire.
    — Gros porc !…

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