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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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corps de l’écuyer, le dépassa et soudain le frappa du pied en plein visage.
    — Que les dieux infernaux t’émasculent !
    Elle atteignit le seuil de l’écurie aux juments. Roxelane hennit en la voyant paraître. Elle s’immobilisa :
    — Emmène-moi !
    Elle le suppliait, cette fois. L’indécision, l’agacement et l’appétition d’Ogier s’en trouvèrent exaspérés.
    — Non, dit-il. Sache-le : jamais je ne trahirai Guillaume.
    Par couardise ou fureur et pour rester sur son refus, il se baissa et ramassa le fouet tombé dans la rigole, à proximité de Didier. Quand il se redressa, mû par un repentir qu’il ne réprouvait point, Tancrède avait disparu.
    « Merdaille ! enragea-t-il. Suis-je un faible ? J’aurais cédé. Ah ! quel dommage ! Elle va désormais m’avoir en grand-pitié. »

VII
    — Continue, dit Guillaume en refermant la porte de son armerie après en avoir laissé sortir Pedro del Valle et ses aides.
    — Il s’est ensuivi que, mon oncle, Marchegai lui a lancé une ruade qui l’a disjoint par le milieu du corps. Didier a craqué comme un sarment bien sec.
    Ogier se tut, estimant qu’il en avait assez dit. Le vieillard soupira et, sous ses poils incultes, sa lippe exprima des regrets modérés.
    — C’est dommage, commença-t-il aussi bien pour les Tolédans attentifs que pour Ogier. Mais il est vrai que Didier en voulait à Marchegai. Je l’ai souvent vu le regarder d’un œil mauvais… Non seulement, il t’appartient, mais il a toujours devancé Blanchet à la chasse et dans nos prairies.
    — Voyez ce qu’il m’a fait.
    Guillaume n’accorda qu’un bref regard à la joue déchirée. La main sanglante l’intéressa davantage.
    — Bouge les doigts, dit-il, examinant si attentivement la blessure que son nez la touchait presque.
    Le garçon s’exécuta, ranimant aussitôt des souffrances engourdies. Guillaume se redressa, rassuré.
    — Ce malfaisant aurait pu t’eshancher… Vous avez vu, messire del Valle ?
    L’armurier s’approcha, regarda la plaie et pinça les lèvres en une moue dubitative. Quand Ogier remua ses doigts une seconde fois, le visage du Tolédan s’éclaira :
    — Eh bien, messire, vous avez failli perdre l’usage de cette main… Soignez-vous en hâte, car vos chairs pourraient s’empoisonner.
    — Rien à craindre, il a le sang pur, répliqua Guillaume assez durement. Viens avec moi, mon neveu. Allons voir les restes de ce marmouset. Quant à vous, messires, attendez-moi dans mon tinel.
    Délaissant les Castillans indécis, immobiles et quelque peu surpris par tant d’âpreté, le baron se rendit à l’écurie. Là, de tout son haut, il considéra la dépouille de son neveu assaillie par l’essaim des taons et des mouches. Éloignant de son pied les insectes dont la grêle revint aussitôt animer le visage immobile, il fit appeler son chapelain, Mathilde et Blanquefort par Griveau, qui venait d’apparaître, entouré de ses palefreniers : il fallait procéder au nettoyage du mort, préparer ses armes et s’occuper de son âme.
    — Il y avait une telle frainte [216] à la forge qu’ils ne se sont pas doutés de ce qui se passait ici, supposa Ogier.
    — Tu les as vus ?
    — Avant d’aller vous prévenir.
    À cet instant, la face poilue de Thierry Champartel apparut.
    — Ah ! si on avait su, dit-il.
    Par un réflexe de vilain craignant l’algarade, il frottait ses paumes noires, poisseuses, contre son tablier de cuir et baissait la tête. Derrière, les mains serrées sur un marteau et des tenailles, se tenait Laurent Massoutier. Son visage nu, gras, noirci aux feux et aux suies, exprimait l’inquiétude :
    — Je me demande comment le vieux renard de Saint-Rémy prendra ça !
    Guillaume feignit d’être loin de ces soucis.
    — Thierry, dit-il, tu vas descendre au hameau. Dis aux gens de monter sans tarder avec leurs petites et grosses bêtes. Ils n’en ont pas tellement, d’ailleurs… Blanquefort les a prévenus du péril, mais ils ne se hâtent guère. Moi, je vais aller porter Didier à son père…
    — Mais, mon oncle…
    Ogier ne put achever son objection :
    — Il le faut… Qu’il repose au moins sur les terres de sa famille. J’en profiterai pour dire à mon beau-frère de se méfier des Anglais.
    Sans prendre le temps d’enlever son tablier, Thierry quitta l’écurie. Il trouva Gilles sur le seuil.
    — Eh, attends… Veux-tu que je t’accompagne ?
    Ogier rejoignit les deux

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