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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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exposa pourtant à contrecœur, aussi placidement que possible.
    Parvenu à la ruade de Marchegai, et comme il surprenait une lueur d’incrédulité dans les yeux mi-clos du chapelain, il s’enquit :
    — Vous faut-il, mon Père, un petit confiteor avant de continuer ?
    — Mais non, mais non, mon fils… Je ne mets pas tes dires en doute… Et puis, nous sommes à table, et non à confesse.
    Se tournant alors vers Tancrède, le damoiseau sollicita un sourire ou un signe d’assentiment pour son irrévérence envers le cordelier. Contrairement à son attente, la jouvencelle lui parut maussade, indifférente à sa présence.
    « Elle me démontera toujours ! »
    Mathilde avait fait ajouter quatre plateaux dans l’espace réservé aux gens du commun. Ceux du hameau s’y étaient attablés. Ogier les compta : trois aïeules, cinq vieillards, douze femmes encore jeunes, trois pucelles, quatre jouvenceaux, trois enfants et dix-huit hommes solides et courageux d’apparence. De ceux-là, il eût fallu dix fois plus.
    Ils formaient un groupe à part, échangeaient peu de mots entre eux, encore moins avec leurs voisins, qu’ils connaissaient pourtant, et auxquels certains étaient apparentés. Se croyant considérés comme des gêneurs, ils lançaient autour d’eux des regards chagrins. Tous regrettaient leurs logis abandonnés.
    Ogier se sentit gagné par une fureur pernicieuse :
    « Le repas traîne… Je devrais descendre au hameau… Rien n’est clair dans les agissements d’Anne. On dirait qu’elle me fuit… Sa mère va trépasser, soit, mais il semble qu’elle en profite pour quitter tant qu’elle peut nos murailles… Elle me cache quelque chose… quelque chose dont Margot, peut-être, est informée… Quand elles remonteront, je m’arrangerai pour les questionner l’une après l’autre. »
    À de brefs intervalles, il entendait les cris rassurants des guetteurs, et parfois les plaintes sinueuses du vent aux prises avec la pluie du crépuscule. Puis les crépitations de l’âtre et le cliquetis des cuillers dans les écuelles reprenaient le dessus.
    — C’est presque un temps d’hiver, dit Pedro del Valle, assis entre Claresme et Guillaume.
    En le voyant lever son hanap à la santé du baron, Ogier se félicita que cet homme eût convaincu ses compagnons de procéder à l’exécution de son vêtement de fer. Cependant, il était inquiet : un malaise l’avertissait que le danger fluait autour du château. Et ce pressentiment, composé de crainte légère et d’attente, le tenaillait à la gorge et au ventre.
    — J’aimerais, dit Claresme, connaître la Castille.
    Tancrède adressa un sourire à Ogier. L’audace de sa sœur lui plaisait. Cependant – et cette évidence scintillait dans son regard toujours froid –, elle conservait au fond du cœur un mépris sans doute inguérissable envers cette créature douce, fragile – ce qu’elle n’était point et se refusait d’être. Il se pouvait aussi que son orgueil se fut cabré de voir son aînée s’enhardir au point d’attirer sur sa personne l’attention d’un homme tel que le Tolédan, bien bâti, le visage agréable et d’une courtoisie sans égale en ces murs.
    — Que pense-t-on de nous au-delà de notre royaume ? interrogea le baron. Du bien, je présume, et du mal pour Édouard.
    — Messire, dit Pedro del Valle avec une lenteur prudente, ce serait plutôt le contraire. Les gens de France apparaissent comme des présomptueux qui, face au danger, s’escampent… en excipant toujours de fort bonnes raisons. Des gens qui ne manquent jamais de bonnes excuses à leurs échecs et qui n’ont que des si pour se sortir d’affaire. Mais je n’en dirai pas davantage car je ne vous tiens pas pour apparenté à ces outrecuidants.
    Le baron parut surpris.
    — Et notre sire Philippe ?
    — On trouve qu’il est vain, prodigue, plein de jactance.
    — Ce n’est point ce que nous disent les marchands, pèlerins, drapiers, lainiers qui s’en vont à Toulouse, Béziers, Cahors ou en reviennent, et semblent au courant de tout ce qui se trame ici-bas.
    — On prétend que votre roi est d’intelligence étroite et qu’il manque de caractère… surtout devant sa femme.
    — Je le crois, dit Guillaume non sans réticence. Les seigneurs et les chevaliers qui nous demandent asile se confient volontiers après avoir vidé quelques hanaps… Mais ce roi qu’on dit « trouvé » sut à temps se débarrasser de Mortimer

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