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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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prétexte… Ce que les armuriers m’ont dit hors de la présence de mes pucelles me met en déconfort… Cubjac brûlait. Ils ont ouï des cris… Tu comprends ? Si ces malandrins marchent vers nous, ils arriveront dans deux jours… Il faut que nos hurons viennent en ce refuge. Canole, si c’est lui, n’en épargnera aucun !
    — Ils commencent à remuer, dit Blanquefort.
    — Je te confie ces parois, mon neveu. Mes sergents t’obéiront sans broncher, je leur ai parlé… Sitôt le pont remonté, fais soigner ta main par Mathilde. Il en est temps.
    Insensible aux regards furibonds de Renaud et d’Haguenier, Ogier tapota le poitrail de Broiefort.
    — J’espère, mon oncle, que vous ne ferez pas de mauvaise rencontre… C’est folie d’aller à Saint-Rémy. J’aurais voulu vous y compagner pour dire à ce vieux fumeux que son fils…
    — Je le lui dirai mieux que toi… Tu me parlais de mauvaise rencontre ? Crois-moi : la plus mauvaise que je puisse faire, c’est de me trouver devant mon beau-frère.
     
    *
     
    Guillaume revint à la nuit, précédant d’assez loin Florimont et Matthieu, blêmes, silencieux, puis Blanquefort, le front soucieux sous son chaperon noir. En les accompagnant à l’écurie, Ogier s’étonna de l’absence des écuyers.
    — Saint-Rémy a voulu qu’ils restent pour l’enterrement, dit Blanquefort. Ils seront de retour demain à midi… Moi, à la place de votre oncle, même au risque d’aggraver la fureur de ce gros ladre, je les aurais ramenés. On a besoin d’hommes… Nous lui avons dit de se méfier des Anglais. Il nous a desrisés [220] . Il croit qu’ils passeront au large.
    Une pluie légère commençait à tomber. La basse-cour était encombrée de vilains, d’animaux et de quelques meubles : berceaux, paillasses, coffres de mauvais bois. Les gens du village étaient montés. Du côté des logis affectés à la valetaille régnaient grand bruit et grand désordre. On se serrait pour faire place aux culverts. On entendait des pleurs d’enfants, des cris, des appels, des piailleries de volailles, le braiement d’un âne et des aboiements. Saladin allait de l’un à l’autre de ses congénères, les flairant avec intérêt, indifférence ou mépris selon leur taille et leur sexe.
    Sitôt qu’il eut confié Broiefort à Griveau, Guillaume et son chapelain visitèrent leurs ouailles. Le baron ne leur dissimula pas que les hordes dont il avait entendu parler étaient féroces. Il engagea les hommes à inverser le fer de leur faux et à se procurer des arcs.
    — Blanquefort vous en donnera. Mon armerie est bien pourvue… Et si certains d’entre vous veulent apprendre à se servir d’une arbalète, Benoît, Matthieu, Aspe et Joulet leur en enseigneront demain le maniement.
    — Vont-ils vraiment venir ? demanda une aïeule.
    — Qui peut savoir, la mère ? S’ils t’effraient déjà, va prier. Toi, c’est tout ce que tu peux faire.
    Tandis que la vieille allait à la chapelle, clopin-clopant, suivie d’Arnaud Clergue, le baron se rendit aux étables. Sous sa surveillance, les hommes de Griveau rapprochèrent ses quinze bœufs et vaches, de sorte qu’il y eût place pour les animaux d’en bas : un âne et deux génisses maigres. Il restait trois porcs ; la porcherie du château était vaste, on les y mit.
    — Ils sont si plats qu’on les reconnaîtra longtemps !
    Cette plaisanterie lancée, Guillaume s’enquit des vilains demeurés au village. Thierry Champartel satisfit sa curiosité :
    — Il reste la Pitioune – vous savez : la naine d’auprès de chez Calixte, le sabotier qui, lui, est en vos murs avec sa femme – et Thibaut, le bûcheron. Il connaît une caverne où nul, dit-il, ne les trouvera… Il y a encore l’Henriette, qui veut mourir dans son lit… Gilles et mes belles-sœurs sont près d’elle.
    — Mon oncle, intervint Ogier. Et si j’allais maintenant au hameau avec trois ou quatre hommes ? Nous ramènerions l’Henriette avec l’assentiment de son gendre et de ses filles.
    Guillaume eut un haussement d’épaules dédaigneux.
    — Allons, allons, rien ne presse. Cesse de t’inquiéter. Avec Gilles et Thibaut, Anne et Margot sont protégées.
     
    *
     
    Au début du souper, interrogé par Arnaud Clergue, Ogier se trouva contraint de raconter son affrontement avec Didier. Telles qu’il les avait imaginées, les circonstances de cette altercation desservaient à peine la mémoire du défunt. Il les

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