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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Blainville venait d’enlever son manteau ; il portait une épée au côté. De plus, ses vêtements semblaient secs.
    « Ainsi, ce gobelin n’a pas quitté le Christophe à la nage… Où ces Goddons l’ont-ils cueilli ? Pourquoi n’est-il pas désarmé ? »
    Assez loin pour que sa présence ne fût pas remarquée, le jouvenceau brassa dans le sillage des barques. La mer y bougeait mollement. Les bourdonnements de la bataille et les crépitements des incendies formaient dans l’air chaud et puant un tumulte opaque, invariable et lourd, et pour qu’ils s’entendissent, Blainville et son rameur devaient élever la voix.
    — Souque fort, Regnault.
    — Je fais ce que je peux, messire.
    Ogier ne pouvait voir ce personnage : Blainville et les archers de la gribane avançant à leur suite le lui cachaient.
    « Eh bien, songea-t-il, pour des captifs !… »
    Des fragments de mâts et de bordages à demi calcinés chuintaient dans l’eau infecte ; il entendait les chocs des étraves et le râpement des avirons contre ces débris. Entre les coques, des buissons de cordages s’enchevêtraient comme une végétation marine tout à coup jaillie en surface.
    — Il ne restera rien, dit Blainville, de cette flotte dont Philippe était si fier ! Messire Robert Morley a vaincu… Artois doit s’ébaudir en sa compagnie.
    Effaré, Ogier entendit un grand rire de soulagement. Blainville continua, sévère :
    — Allons, va, Regnault ! Je devine le mal que tu éprouves à fendre cette croûte immonde… Et pourtant, ils nous ouvrent la voie.
    Ogier brassa l’eau fangeuse avec plus de nervosité tandis que les nacelles se frayaient et lui ouvraient un passage dans un fatras de toiles dilacérées, de tonneaux, de cadavres au-dessus desquels bourdonnaient des tourbillons de mouches.
    — Demain… commença Regnault.
    — Hé oui ! Demain sans doute, Philippe apprendra sa défaite. Sa fureur sera telle qu’il voudra lui-même étouffer le coulon porteur du message… Et je ne voudrais pas être le sergent qui le lui remettra !
    — J’ai vu, messire, vos amis pendre Bahuchet à une vergue.
    — Kieret s’est rendu, pensant agir avec sagesse. Un de leurs écuyers l’a éventré… Quant à Barbanera, il est loin.
    Les tolets grinçaient. Les bateliers ramaient lentement. Les bruits, les morts, la mer avec son ramassis d’épaves, ses vaisseaux inclinés de toutes parts, démâtés, fumants, et les blessés hurlant à l’aide, tout semblait laisser les guerriers d’Édouard et leurs captifs indifférents.
    « Où vont-ils ?… Pourquoi ce Regnault a-t-il parlé d’amis ? »
    Une fatigue immense rongeait les reins d’Ogier, plombait ses bras et commençait à engourdir ses pensées. Un corps lesté de fer tomba. Cet homme hurlait. Il disparut, refit surface et parvint, sur son passage, à s’agripper à la barque de Blainville.
    — Laisse-ça ! Tu vas nous faire chavirer.
    Puis, reconnaissant le blessé :
    — Tiens ! Guichard de Lierbon… Ah ! chevalier, veuillez lâcher prise.
    — Emmenez-moi, Blainville, supplia le blessé. Je n’ai plus qu’un bras et peux vivre… Je serai comme vous un otage de…
    — Non, Guichard ! Non… Ces gens-là sont pressés et vous allez crever. Lâchez ! Mais lâchez donc, vous dis-je… Donne-lui, Regnault, une palade [73]  !
    — Impossible, messire.
    — Eh bien, tant pis, Lierbon… Vous m’obligez à sévir !
    Le baron, à coups de talon, s’acharna sur la main du malheureux qui ne céda qu’à l’instant où des flèches hérissèrent ses épaules et son cou.
    — Les malandrins !… Dieu les punisse !
    Les visages des archers exprimaient une hilarité sauvage.
    — Les saligots !
    Incapable de refouler son exécration, Ogier vomit et toussa.
    — Halte ! cria Blainville. On nous suit.
    Les barques s’arrêtèrent.
    Ogier s’était immobilisé derrière un fragment de gabie. Incapable de décider quoi que ce fut, et désolé que la peur née de cette péripétie nouvelle eût aggravé les tortures de ses intestins, il essaya de contrôler son souffle et les battements de son cœur. L’odeur dégagée par l’eau grumeleuse sur laquelle le soleil versait son feu devenait insupportable. Un voile de moustiques et de moucherons ondulait, bruyant, devant son visage. Il dut remuer pour éviter leurs assauts, et quand un insecte se posa sur son nez, l’immersion seule, prudente et lente, lui évita d’éternuer.
    « Ils me

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