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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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penchant. Il respirait à peine quand nous l’avons trouvé pas loin d’où nous sommes… Quatre des nôtres gisaient autour de lui.
    — Comment le soigner ?
    — Il faudrait le recoudre, mais nous n’avons rien !
    — Lui mettre un bourdonnet ?
    —  What ? Un bourdonnet ?
    — Un bouchon de charpie.
    — Cela ne suffirait pas !… D’ailleurs, pour te rassurer, dis-toi que ton père, un jour, sera fier de cette navrure.
    L’Anglais s’agenouilla. De ses doigts, il rapprocha les lèvres de la plaie. Le blessé gémit. Ogier n’osait le regarder.
    — Serre fort, boy, en enroulant ton linge autour de sa tête ! Et crois-moi, c’est tout ce que tu peux faire.
    Godefroy d’Argouges frémit et ferma ses paupières tandis que l’étoffe sale commençait à couvrir son front, ses tempes. Sur le linge humide, une fleur de sang apparut.
    — Ah ! fils… fils…
    Le teint crayeux du blessé, l’imperceptible tremblement de ses lèvres pâles, les cernes de ses yeux toujours clos désespérèrent Ogier. Son regard croisa celui de l’Anglais, lequel ne se méprit pas sur sa signification.
    — Non, dit-il. Ton père est solide… Il vivra !
    Il s’empressa de rejoindre les siens, avec lesquels, tout en cueillant des pommes, il se mit à parler sans élever la voix.
    De ces hommes aux vêtements lacérés et sanglants émanait une impression d’entente, de confiance et d’énergie latente.
    — J’espère que Blanquefort est sauf, murmura Godefroy d’Argouges en ouvrant les paupières. Il m’a sauvé… À peine au sol, il a dû se battre à poings nus. Moi aussi… Puis nous avons trouvé des épées… Pour nous préserver encore. Nous nous sommes perdus de vue…
    Sa main se posa sur celle de son fils, fiévreuse, apaisante.
    — Et mon oncle Guillaume, Père ?
    — Je ne sais… Pourvu qu’il vive !
    Godefroy d’Argouges remua imperceptiblement la tête :
    — Nous pouvions les vaincre… Sans ces capiteux [84] qui nous commandaient, nous aurions eu le dessus.
    —  Capiteux, Père ? Je dirais plutôt ces goguelus [85] . Sur les trois, Kieret et Bahuchet sont morts… Blainville est à terre, je l’ai vu.
    — Il faudra qu’il nous paie cette déconfiture.
    Un instant, Ogier fut tenté de révéler que Blainville était un traître, mais l’homme fourbu, livide, sur lequel il se penchait, n’était guère en état de recevoir une telle confidence ; il l’ajourna.
    — Père… Pourquoi ces hommes qui vous ont capturé ne vous ont-ils pas occis ?
    Godefroy d’Argouges soupira. Ses poings, amenés sur sa poitrine, se crispèrent.
    — Ils sont repus de sang… Ils se sont dit : « Un de plus, un de moins… À quoi bon ? » Ils veulent une rançon… Ils l’auront… Tu comprends désormais pourquoi il est bon d’avoir de l’or dans les coffres des basses caves.
    — Oui, Père. Maintenant, je vais soigner votre bras. Il en est grand temps !
    — Attends, Ogier… Il te faut fuir… Reprends des forces. Il convient qu’un de nous revienne à Gratot. Il te faudra costier la mer… le plus près possible… Défie-toi de la marée et des verholes [86] . C’est notre mer, mais en ces lieux, tu ne la connais pas.
    Godefroy d’Argouges serra la main de son fils. Et soudain, tendant l’oreille, il dit à voix basse :
    — On vient !… Des chevaux…
    Effectivement, des cavaliers approchaient. Le sable avait amorti le bruit des sabots, mais quelques pierrailles venaient de trahir leur présence. Ogier évalua leur nombre à cinq ou six. Les Anglais les avaient également entendus : ils parlaient, s’agitaient. Deux d’entre eux avaient empoigné leur épée.
    — Des chevaux, grogna Godefroy d’Argouges étonné. Ce sont des Flamands.
    — À moins qu’il ne s’agisse, Père, de quelque petite compagnie du duc Jean.
    — Non, il roucoule quelque part auprès de quelque femme… ou quelque gars. D’ailleurs, cet outrecuidant ne se déplace jamais sans une centaine d’hommes.
    Surgissant au faîte d’une dune, les cavaliers s’engagèrent dans le sentier et s’élancèrent à la queue leu leu en direction du muret au pied duquel les Anglais s’étaient dissimulés. Ils avançaient au galop. Un cheval apparut, puis un autre.
    — Halte ! dit soudain un homme au passage. Halte !… Voyez ces chapels-là… Parole : ils sont anglais.
    — Va voir, Ramonnet, mais hâte-toi : je suis attendu !
    Cette voix brève aux accents impérieux,

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