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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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un désespoir sans fond.
    Guillaume de Rechignac, Ogier, Blanquefort côtoyaient ces guerriers exténués, hébétés, puant la sueur et le sang caillé, tandis qu’au centre de la cour, harcelant trois sergents occupés aux ultimes préparatifs de son triomphe, Blainville régnait en maître en attendant de se conduire en despote. Il était coiffé de son petit bassinet ; cependant, ad ostentationem – à moins qu’il n’eût voulu se surhausser d’un pied –, il l’avait orné d’un plumail.
    — Du cygne, murmura Blanquefort. De la blancheur pour ce fredain [94]  !
    — Le paon lui siérait mieux.
    — Ah ! mon oncle, soupira Ogier, j’ai le cœur dolent de ce que je dois voir.
    Ils s’étaient placés au premier rang de l’assistance noble, face à l’échafaud érigé au pied du donjon, entre la chapelle et les écuries, d’une part, et de l’autre, un grand pan de muraille à la crête garnie d’arbalétriers et d’archers. Presque aussi nombreux que les piétons alignés sur six rangs, à l’ombre du mur d’enceinte, les seigneurs et les écuyers attendaient l’apparition de Godefroy d’Argouges. La plupart le connaissaient. Le croyaient-ils capable de couardise et de félonie, comme Blainville en avait fait répandre la rumeur ? Certains parlaient à leurs voisins, lesquels jetaient autour d’eux des regards inquiets ou distraits ; d’autres méditaient, taciturnes, et de ceux-là, le jouvenceau eût aimé connaître les pensées. Le temps lui avait manqué pour raconter ses mésaventures à son oncle. Depuis leur entrée à la Broye, l’avant-veille au soir, Guillaume et Blanquefort avaient eu bien autre chose à faire qu’à l’écouter : sauver l’honneur de son père, s’évertuer à lui épargner un châtiment injuste et d’autant plus inadmissible que, contrairement aux usages, le procès avait eu lieu, disait-on, dans sa geôle, la nuit même de son arrivée, sans témoins ni défenseurs : Blainville prenait ses aises avec les procédures. Il lui restait à présider aux rites exécutoires de la sentence. Sa fébrilité, impudemment exhibée par la voix et les gestes, révélait son désir de les mener rondement.
    Afin de se délester, s’il le pouvait, de ses angoisses et de ses souvenirs, Ogier reprit :
    — Quand ces linfars ont jeté Père en travers d’une selle, je les ai suppliés de me laisser l’accompagner… Ils ont refusé… Trois d’entre eux – qui sont ce jour d’hui devant nous – m’ont saisi et frappé puis lié à un arbre. J’ai mis la nuit à me dégager ; ensuite, j’ai warrouillé à travers le pays. Les Flamands y pourchassaient l’homme avec plus d’ardeur que le cerf ou le sanglier. Je ne sais pas encore pourquoi je suis en vie.
    — Allons, apaise-toi, enfant, dit Blanquefort. À quoi bon te mettre en cet état puisque tu nous a retrouvés, moi, non loin de Dixmude à la nuit tombante avec neuf de nos gens, et ton oncle tout près d’ici, à Hesdin.
    — C’est une belle et bonne chance, dit Guillaume, que j’aie pris le chemin de Saint-Omer avec Ernauton de Penne. Tant des nôtres, par impatience ou peur, se sont éparpillés et perdus avant même d’arriver sur nos terres.
    — À quelle nef, messire, demanda Blanquefort, appartenait ce chevalier ? Depuis nos retrouvailles, avant-hier, je n’ai guère eu le temps de vous interroger.
    — Ernauton commandait les gens de la Mahaut. Avant qu’elle ne sombre, il l’a quittée pour la Diane et s’y est battu jusqu’à ce qu’un épieu l’atteigne à l’épaule. Nous nous sommes trouvés à terre en même temps…
    Guillaume gratta sa crinière inculte, puis sa main retomba, molle, lasse, contre le fourreau, vide, de son épée.
    — C’est une chance aussi que nous nous soyons arrêtés dans un hameau du nom d’Azincourt pour avaler un hanap de vin. C’est là que j’ai appris le passage de Blainville.
    — Et comment, mon oncle ?
    — Il s’y était arrêté pour manger. L’aubergiste qui nous abreuvait en nous avisant sur les débris d’armée passant par son pays, s’était étonné, ce jour-là, de voir un captif dans le chariot que ce malfaisant traînait à sa suite… Il a voulu lui donner à boire… Blainville s’y est opposé… Ensuite, il s’est moult égayé à révéler aux curieux le nom de ton père et celui de l’endroit de sa captivité.
    Ogier crispa ses mains à sa ceinture et fut heureux d’y sentir son poignard.
    — Je

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