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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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c’était celle de Richard de Blainville. Cette voix, c’était celle de la fatalité.

VI
    Blainville était coiffé d’un petit bassinet [87] dont la bretèche pendait sous son menton, par-dessus les anneaux du camail. S’il portait toujours ses vêtements noirs, un plastron protégeait sa poitrine. La tabule [88] de cette cuirasse, grosse comme une corde, révélait que le fer destiné à la préservation du buste était d’une épaisseur peu commune.
    Il mit pied à terre et, d’un geste, enjoignit à ses hommes de l’imiter. Ils étaient dix, apprêtés pour la guerre et couverts, par-dessus leur harnois, d’une cotte aux couleurs de Blainville – le sable et l’argent [89] – où le velours de Gênes et le drap de Roubaix formaient un assez bel ensemble.
    « D’où les sort-il, ceux-là ? » se demanda Ogier.
    Devinant que toute fuite, toute résistance étaient impossibles, un Anglais essaya de parlementer.
    — Messire, dit-il en offrant son épée au baron, considérez-nous comme vos alliés, sinon comme vos otages.
    Blainville saisit l’arme et la jeta au loin. Un sourire éclaira sa face renfrognée tandis que des rires s’élevaient.
    — Tiens, dit-il en découvrant Ogier agenouillé près de son père. Vous êtes saufs tous deux !
    — Tout comme vous, messire, répliqua effrontément le jouvenceau.
    Un sergent barbu, d’allure effrontée, se pencha sur Godefroy d’Argouges et le considéra sans lui dissimuler son abomination. Impassible en apparence, le chevalier subit cet examen tout en défiant du regard Blainville qui l’observait les poings aux hanches.
    — Qu’en dis-tu, Ramonnet ?
    L’homme lige se redressa. Ses yeux gris, vifs et porcins, se portèrent sur son maître :
    — Durement atteint, messire. Plus près du ciel que de la terre…
    — Pas de temps à perdre, alors, dit Blainville en se dirigeant vers son cheval, un destrier noir superbement harnaché.
    S’arrêtant soudain, il se tourna vers ses hommes :
    — Même s’il vous en coûte, débarrassez-nous de ces quatre drôles… Laissez-là Argouges et son gars… Si le père trépasse, le fils saura bien enfouir cette charogne.
    Ogier serra les dents. Répliquer, c’était mourir. Il vit les Anglais cernés par les hommes d’armes. Il entendit leurs cris, leurs plaintes. Quand le cercle immonde se rompit, quatre guerriers, la gorge ouverte, gisaient dans l’herbe. Ainsi, par précaution et sauvegarde des apparences, Blainville n’avait pas hésité à sacrifier des alliés.
    Ramonnet boitilla vers son cheval tout en essuyant contre sa cuisse la lame de son couteau.
    — Voilà, c’est fait, dit-il avec un air de componction qui suscita des rires autour de lui.
    — Quatre à la fois ou presque. Tu as dû jouir autant que si tu les avais forniqués.
    Soudain exaspéré par ce qu’il entendait, Godefroy d’Argouges trouva la force de se lever. Il marcha d’un pas vacillant jusqu’à Blainville, se jeta sur lui et le serra au cou en criant d’une voix que son exténuation éraillait :
    — Par Dieu, la Vierge et les archanges, tu viens de te conduire en pourceau ! Tu déshonores la chevalerie !… Tu n’es rien d’autre qu’un malandrin.
    Blainville se débattait, suffoquait, grondait sourdement ; ses hommes s’étaient portés à son secours, mais Godefroy d’Argouges maintenait sa prise.
    — Vil herlos [90]  ! poursuivit-il, insensible aux coups de gantelet assenés sur son corps et sa tête blessée, tu peux être loué, magnifié par Philippe, sa ribaude et leur petit duc, ta faveur auprès d’eux finira par décliner.
    Ogier comprit que même s’il survivait au courroux de Blainville, le sort de son père allait changer dès cet instant. Le roi ne lui pardonnerait jamais ces offenses, et son favori, en les lui rapportant accommodées à sa façon, disposerait non seulement d’un témoin aussi perfide que lui-même, Ramonnet, mais aussi des hommes de sa mesnie [91] .
    « Ces larrons, se demanda-t-il, sont-ils français ou flamands ? Et où ont-ils pris ces livrées ? »
    Un coup de plat d’épée frappa le seigneur de Gratot. Retenant cris et injures, Ogier se précipita pour le protéger de son corps, mais s’effondra avant de l’atteindre : Ramonnet lui avait fait un croc-en-jambe.
    « Ainsi, enragea-t-il en rampant vers le guerrier inanimé, le regard brouillé de larmes, nous aurons en ce jour tout injustement subi… Ah ! je nous vengerai des forfaits de ce

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