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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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qu’il était question de lui lorsque tous les regards convergèrent dans sa direction.
    « Que vont-ils faire de moi ? Eux, les hommes, un guerrier. Mais ces filles, ces femmes et tous ces gens qui me regardent de loin comme… »
    Il ne put achever sa pensée : Guillaume à nouveau l’entraînait :
    — Allons saluer mon tonsuré… Le voilà sur le seuil de la chapelle. Comme tu le vois, il n’a rien d’un nattaire [126] . C’est, la coule au vent, Arnaud Clergue. Il a autant de religion que d’appétit.
    — Il ressemble à frère Isambert, notre confesseur. À croire que l’espèce est la même.
    Guillaume sourit. Sans doute, pour les choses de la foi, tenait-il son chapelain en petite estime. Pour lui, Dieu n’avait point de substituts. D’autres, en ce château, devaient penser différemment.
    — J’avais retenu ce nom de Clergue ; pas celui de votre Mathilde.
    Ogier n’eut guère le loisir de se reprocher cette incongruité : le presbytérien, après avoir étreint vigoureusement Guillaume, lui souhaitait la bienvenue.
    — Sachez-le, Clergue, révéla aussitôt le baron, ce jouvenceau sait lire, écrire, et connaît le latin.
    — Juste un tantinet, dit Ogier.
    Le clerc débonnaire et pansu, vêtu d’une bure sale, déchirée, l’appela «  mon fils », le bénit et fut heureux d’apprendre qu’il resterait céans longtemps.
    — Je n’aurai guère à vous enseigner, puisque vous savez l’essentiel !
    — Bah ! Bah ! fit Guillaume en frappant sans douceur sur le dos du cordelier, vous trouverez de quoi l’occuper. Il lira Végèce avec vous et Renaud de Montauban avec moi.
    Puis, se détournant et parlant soudain bas :
    — Ne bouge plus, Ogier ! Voilà les vaunéants dont je t’ai entretenu un peu tard : Didier de Saint-Rémy, Renaud d’Augignac et Haguenier de Trélissac. Ils n’ont pas l’air ravis de me voir.
    Visages bruns et ronds, crâne rasé mais front étroit, tous avaient des yeux noirs, petits, sous des sourcils épais. La lenteur de leur démarche exprimait la présomption, surtout celle du plus robuste : Didier.
    « Des hurons [127]  », songea Ogier, tandis que le chapelain rentrait dans la chapelle.
    Fût-ce parce qu’il était vêtu d’un haubert et eux de hardes malpropres ? Ils se montrèrent à la fois distants et rogues après que Guillaume l’eut présenté. Nulle poignée de main ne fut échangée. Pour y échapper, Didier croisa ses bras, et Renaud, imitant Haguenier, crispa ses doigts à sa ceinture. L’immixtion d’un gars de leur âge dans leur groupe de jouvenceaux privilégiés les indignait pareillement. Blanquefort avait prévu cette attitude intransigeante.
    « Que croient-ils ? » se demanda Ogier, indifférent en apparence à l’expression d’hostilité de ces trois faces rustaudes. « Que mon oncle va se montrer moins rigoureux envers moi qu’envers eux ? Les sots ! Tels que je les connais, lui et son sénéchal, ce sera plutôt le contraire. »
    — Tu es donc aussi son nieps, fit Didier.
    Cette constatation chargée d’autant de mépris que de menace insidieuse fut sans effet sur Ogier. Répliquer eût été accorder trop d’intérêt à ce lourdaud, et se déprécier en se plaçant à son niveau ; il se contenta d’incliner la tête.
    — Si je m’attendais à ça !
    Didier eût aimé en savoir davantage. Guillaume ne le satisfit qu’en partie :
    — Il était à mes côtés, à l’Écluse. Il y a vu ce que tu ne verras jamais. Que sa venue te plaise ou non, garde-toi de lui chercher noise.
    Il se tourna vers Haguenier et Renaud :
    — Ceci vaut également pour vous.
    Baissant la tête, Ogier remarqua trois paires de poings. Alors, croisant à son tour les bras, il redévisagea Didier : un front court, plat, où la lisière des cheveux ras formait un trait courbe, grisâtre ; des yeux de jais sous des paupières agitées ; un nez long et cassé qu’un bouton rougissait à sa pointe ; un menton bref où des poils poussaient en friche.
    — Aussi vrai que je me nomme Ogier d’Argouges, je ne chercherai querelle à personne… Ignorais-tu, Didier, mon existence ?
    — Mon oncle, mes cousines (le gars mordait lourdement sur le possessif), m’avaient parlé de toi… Mais de là à te rencontrer…
    Ogier ne sut que répondre. Ces yeux ténébreux enfoncés dans les siens lui donnaient un avertissement. De quelle nature ? Les compères de Didier, qu’ostensiblement il négligeait,

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