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Les lions diffamés

Les lions diffamés

Titel: Les lions diffamés Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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main-forte à Charles de Blois… Mais où veux-tu en venir ?
    — À ceci : depuis cet été, c’est au Périgord qu’Édouard s’en est pris [146] .
    — Bah, dit Guillaume sans se retourner. À trop vouloir avaler, ce glouton et ses hommes s’étoufferont avant d’atteindre notre contrée. Nous ne manquons ni de chevaliers ni de piétaille pour les contenir. De plus, le duc Jean se trouve à Carcassonne, d’où il peut remonter jusqu’ici, et Pierre, duc de Bourbon, vient d’être nommé lieutenant-général de toutes les parties de la Langue d’Oc et de la Gascogne. Crois-moi : les Anglais sont loin, éparpillés…
    « Où sont-ils, justement ? se demanda Ogier. Ils sont sortis des marches de Guyenne à la fin du printemps. Saint-Macaire est tombé. D’autres cités aussi, petites et mal défendues. Nos gens parviendront-ils à les refouler ? Et moi ?… Dois-je quitter Rechignac ou y rester quelques semaines encore ? »
    Dès les premières rumeurs d’invasion, Bertrand de l’Isle-Jourdain, comte de l’Isle, s’était enfermé dans Bergerac avec sept cents lances et mille arbalétriers génois – Bergerac, que naguère Mathe d’Albret avait promis à Édouard. Là, le capitaine du roi avait réuni précipitamment en conseil les comtes de Comminges, de Périgord et de Valentinois ; les vicomtes de Villemur, de Carmaing et de Mirande, les seigneurs de Duras, de Taride, de la Barde, de Pincomet, de Castelbou, de Châteauneuf ; le seigneur d’Escun, et pour que Dieu fut présent aux délibérations, l’abbé de Saint-Sever. Unanimes, ils avaient décidé d’établir un corps de garde à Montcuq, un château sur la rive gauche de la Dordogne.
    « C’est tout ce que nous savons, songea Ogier. Mais si mon oncle a chargé Blanquefort d’aller quérir Tancrède à Lubersac en lui adjoignant Norbert et Paul, c’est qu’il est plus inquiet qu’il ne le prétend… D’ailleurs moi, à sa place, je l’aurais laissée là-bas quelque temps encore. »
    — Si par malheur ces malandrins venaient jusqu’à nous, mon neveu, tu sais que j’ai tout pour leur résister. Trente barils de poix… et autant d’huile… des flèches par milliers… Un puits d’une eau si pure qu’on la dirait bénite !
    « Tout, vieillard ? Par Dieu, l’essentiel – les hommes – te fait défaut… Tu disposes de quinze archers et arbalétriers… Autant de piétons sachant manier la hache et l’épieu… Voilà ton armée !… Cent trente-sept maçons et charpentiers peuvent la renforcer, certes, mais que ferions-nous face à des milliers de guerriers ivres de sang ? »
    Comme ils parvenaient sur une éminence, le baron regarda attentivement les forêts et les champs, autour d’eux. Aucun feu, aucun être humain, aucun animal n’y apparaissait. Seuls, au-dessus de leurs têtes, quatre corbeaux se laissaient porter par le vent aigre, silencieusement.
    — Va pleuvoir encore !… Mauvais temps pour couvrir, comme c’est ton intention, des lieues et des lieues de terre boueuse… Les chemins chevauchables sont rares. Tu le verras par toi-même.
    Et Guillaume talonna Broiefort. Le vieux palefroi galopa aussitôt. Le damoiseau rendit les rênes à Marchegai :
    — Mon oncle !… Parlons net !… Me dites-vous cela pour me retenir ?
    Le baron ne lui répondant pas, Ogier, en le rejoignant dans un pré où Broiefort s’était remis à l’amble, fut tenté d’ajouter qu’il partirait au jour fixé, même si les Anglais envahissaient la contrée. Cette affirmation lui parut tellement incongrue qu’il préféra l’écarter.
    — S’il y a des Goddons par ici nous les verrons sous peu… Ils ne sont pas gens à se dissimuler… Alors, je resterai. Dans une pareille conjoncture, mon oncle, je serai plus encore votre obligé que votre neveu… Mais demeurer près de vous quelques mois encore ? J’aime autant vous répéter que c’est impossible… Il me faut recevoir la colée et les éperons d’or à Gratot, de la main de mon père, sitôt que notre roi l’aura réhabilité.
    Était-ce pour cette raison, moins crûment exprimée la veille au soir, que le vieillard lui faisait grise mine ?
    — Nous avons déjà débattu cette question, mon oncle. À quoi bon y revenir ? Si les Goddons nous assaillent, il nous faudra leur résister… et qui sait ? succomber… Mais si nous survivons – ou si ces malandrins passent au large – je m’assignerai pour tâche immédiate de retrouver

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