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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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Est-ce que la guerre va éclater
bientôt ?
    — Je n’ai pas le droit de vous
répondre, répliqua Himmler.
    Kersten cacha son angoisse par un
sourire entendu et reprit :
    — Vous savez, Reichsführer,
j’en ai vu plus que vous ne croyez.
    L’état de béatitude physique où il
se trouvait en cet instant empêcha Himmler de se taire davantage. Il dit :
    — C’est vrai. Nous allons
conquérir la Pologne, pour mettre les Juifs anglais à raison. Ils se sont liés
à ce pays. Ils ont garanti son intégrité.
    — Mais alors, s’écria Kersten,
c’est la guerre générale ! Tout le monde y sera entraîné, si vous attaquez
la Pologne.
    Un mouvement convulsif secoua le
torse nu de Himmler et Kersten demeura interdit. Il avait entendu, pendant les
traitements, son malade gémir, ahaner, grincer des dents ou soupirer d’aise. Il
ne l’avait jamais entendu rire. Et le voilà qui riait aux éclats. Des grimaces
douloureuses arrêtaient pour un instant ces accès de gaieté, mais ils
reprenaient aussitôt. En même temps, Himmler disait :
    — Oh ! ça me fait mal.
Mais je ne peux pas m’en empêcher. Vous parlez comme un homme qui ne comprend
rien à rien. L’Angleterre et la France sont tellement faibles et tellement
lâches qu’elles nous laisseront faire sans intervenir. Rentrez tranquillement à
La Haye. En dix jours tout sera terminé.
     

10
    La Pologne fut écrasée. Mais
l’Angleterre et la France avaient fait cause commune avec elle. La guerre
continua.
    Dans un pays neutre comme l’était la
Hollande, elle ne changea rien aux routines de l’existence. Kersten continua de
soigner ses patients, de voir ses amis, de retrouver à son foyer Irmgard, sa
femme, et Élisabeth Lube, sa seconde mère. Bien qu’elles fussent allemandes –
ou à cause de cela – elles nourrissaient toutes les deux une haine
passionnée contre Hitler et appelaient de tous leurs vœux sa défaite.
    Le 1 er  octobre 1939,
Himmler fit demander par un aide de camp Kersten au téléphone pour le prier de
venir d’urgence à Berlin. Le Reichsführer était très malade.
    À ce voyage, Élisabeth Lube et la
femme de Kersten s’opposèrent avec une égale vivacité. Le docteur,
disaient-elles, devait cesser de traiter Himmler. Cet homme n’avait pas droit à
être considéré comme un malade pareil aux autres. Passe encore en temps de
paix. Mais à présent qu’il employait toutes ses ressources de policier et de
bourreau pour l’asservissement du monde, c’était inadmissible que de le
soigner.
    Kersten écoutait en silence et
hochait la tête. Au vrai, il était d’accord avec ces propos. Pourtant, il prit
le premier express pour Berlin. Quelque chose le poussait qu’il ne pouvait pas
définir.
    Cette fois, Himmler souffrait
beaucoup. Or, il subissait l’ascendant de Kersten dans la mesure de ses douleurs.
Et quand Kersten lui représenta que, malgré ses prophéties, l’Allemagne n’avait
pu éviter des hostilités générales, il chercha en quelque sorte des excuses à
cette erreur.
    Hitler avait tout fait pour éviter
d’étendre le conflit. Mais l’Angleterre et la France n’avaient rien voulu
savoir. La faute en était à Ribbentrop. Une heure avant que les Anglais
déclarent la guerre, il répétait encore qu’ils n’oseraient pas.
    Mais, une semaine plus tard, Himmler
alla mieux, grâce aux soins de Kersten. Alors, il reprit de l’assurance.
    — La guerre contre la France et
l’Angleterre, dit-il, ne nous effraie pas. Et même, nous en sommes contents.
Ces deux pays seront détruits.
    Et quand, le traitement terminé,
Kersten avertit Himmler qu’il ne reviendrait plus en Allemagne avant les fêtes
de Noël (il les passait toujours dans son domaine de Hartzwalde), le
Reichsführer s’écria :
    — À Noël tout sera fini. Vous
fêterez en paix le Nouvel An. C’est une certitude. Hitler me l’a dit.
    Avant de quitter Berlin, Kersten mit
à exécution un projet qui avait mûri sans qu’il sût comment, mais dont il
comprit, lorsqu’il en eut une claire conscience, qu’il avait été la cause de
son voyage : il se rendit à la légation de Finlande.
    Ce pays, il l’avait choisi comme
sien alors qu’il n’avait pas vingt ans. Il s’était battu pour son indépendance.
Il y était officier de réserve. Il l’aimait fortement.
    Quand il fut en présence des
diplomates finnois qu’il connaissait bien, Kersten leur raconta en détail ses
rencontres avec Himmler et comment le

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