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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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cachot.
    Mais les semaines passaient et la
Gestapo ne se manifestait point.
     

2
    Au mois de novembre 1940, Kersten
accompagna Himmler à Salzbourg. Une grande conférence y réunissait Hitler et
Mussolini, Ribbentrop et Ciano.
    Kersten eut beaucoup de travail. Il
continuait à s’occuper de Himmler. Il donnait des soins à son vieil ami Ciano.
Enfin, Ribbentrop demanda à Kersten de le traiter.
    Ciano profita de cette rencontre
avec Himmler pour lui demander de nouveau qu’il laissât aller Kersten à Rome.
Il fut appuyé par Ribbentrop, qui devait poursuivre les négociations dans la
capitale italienne. Devant les deux ministres des Affaires étrangères de l’Axe,
Himmler dut s’incliner.
    Kersten resta deux semaines à Rome.
Pendant ce séjour, Ciano donna un grand dîner en son honneur et le décora, au
nom du roi, du grade de Commandeur dans l’Ordre de Maurice et Lazare, l’un des
plus enviés d’Italie, car il était aussi ancien que la Toison d’or.
    Aucun des Allemands de la suite de
Ribbentrop n’en fut jugé digne. Les distinctions qu’ils reçurent étaient de
bien moindre valeur. Ils acceptèrent mal cette préférence accordée à un civil,
à un neutre, sur eux, les alliés, les militaires, les nazis.
    Quand Kersten revint à Berlin, les
premières paroles de Himmler en le voyant eurent trait à sa décoration :
    — Vous vous êtes fait par là de
nouveaux ennemis, dit-il rudement. Comme si, déjà, vous n’en aviez pas
assez !
    Alors, Kersten, à qui son voyage et
les plaisirs romains avaient fait oublier les Rauter et les Heydrich, retrouva
d’un seul coup le climat sinistre d’où il s’était, pour quelques jours, évadé.
    On était à la fin de décembre. Il
partit fêter Noël et le Nouvel An à Hartzwalde.
     

3
    Ce domaine était devenu une sorte de
monde clos, bucolique, dans un pays en armes. On y vivait pour la terre et les
bêtes. Irmgard Kersten, conseillée, dirigée par son beau-père, le vieil
agronome qui, à quatre-vingt-dix ans, gardait l’ardeur et la vigueur de la
jeunesse, ne pensait qu’à cela. Les cultures se développaient, les vaches, les
cochons, les poules, les canards, les oies se multipliaient.
    Les regardant, Kersten soupirait
d’aise. Malgré les assurances de Himmler qui continuait toujours à prédire la
victoire pour le mois prochain, la guerre menaçait d’être longue, et les
restrictions se faisaient sans cesse plus sévères. Au moins, on aurait toujours
du lait, du beurre, des œufs, de la volaille, du jambon. Cela comptait beaucoup
pour le docteur.
    Il regagna Berlin au commencement de
l’année nouvelle, l’année 1941, rassasié, reposé, rafraîchi. Dans sa grosse
voiture, conduite par un chauffeur qu’il avait depuis quinze ans, il chantonna
tout le long des soixante kilomètres qui séparaient sa propriété de la
capitale. Là, il retrouva avec plaisir son appartement familier et spacieux,
dans le quartier de Wilmersdorf, aux abords d’un grand parc.
    Le premier jour, il reçut quelques
patients, rencontra des amis. Il ne devait voir Himmler que le lendemain.
    Or, le matin suivant, à six heures,
la sonnette de son appartement retentit avec violence. L’aube de janvier était
encore pleine de nuit. Les domestiques dormaient. Kersten alla ouvrir lui-même.
    « Un malade qui souffre
trop », pensa-t-il en traversant les vastes pièces. Sur le palier, il
trouva deux agents de la Gestapo en uniforme.
    Sa surprise le tint un instant
immobile. Ils restèrent face à face : eux, raides dans leurs tuniques,
lui, engourdi, amolli encore de sommeil et couvert seulement d’un pyjama.
    — Nous voudrions vous parler,
dit rudement l’un des policiers.
    — À votre disposition, répondit
Kersten.
    Tandis qu’il conduisait les deux
hommes vers le bureau, son esprit travaillait anxieusement. Enfin Heydrich se
vengeait. Mais pour quel délit ? quel crime ?… Un ami hollandais
avait-il trahi ou simplement avoué sous la torture qu’il envoyait des
renseignements au docteur et à quel numéro ? Avait-on découvert que
Brandt, sur son instigation, inscrivait, sur les listes de grâce, des noms à
l’insu du Reichsführer ? Dans les deux cas, c’était Himmler lui-même qui
envoyait les policiers et Kersten était perdu. Et il ne voyait rien d’autre
qu’on pût lui reprocher.
    Dans son cabinet, le docteur voulut
proposer aux deux hommes de s’asseoir. Il n’en eut pas le temps. Celui qui
avait déjà parlé demanda d’une

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