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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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ses
familiers, éprouvait un malaise chaque fois qu’il apercevait, grand, net,
sanglé dans un uniforme parfait, l’Obergruppenführer des S.S., le chef de la
Gestapo, Reinhardt Heydrich et son profil aigu, ses cheveux d’un blond fauve,
ses yeux d’un bleu glacé.
    « Cet homme, pensait Kersten,
ne peut admettre qu’il y ait auprès de Himmler une influence qui échappe à son
contrôle. »
    Peu de temps après que le docteur
eut reçu, à l’aube, la visite des agents de la Gestapo, Rudolph Brandt le
prévint de se tenir plus que jamais sur ses gardes. Heydrich avait dit à ses
adjoints qu’il soupçonnait Kersten d’être un agent ennemi, ou, pour le moins,
un partisan actif des pays en guerre avec l’Allemagne et d’employer en leur
faveur son pouvoir sur Himmler. Heydrich assurait qu’il pourrait bientôt en
fournir la preuve.
    Dans les derniers jours de
février 1941, vers midi, comme Kersten sortait du bureau où il venait de
soigner Himmler, il se trouva en présence de Heydrich qui lui dit avec sa
politesse coutumière :
    — J’aimerais beaucoup bavarder
un peu avec vous, Docteur ?
    — Quand il vous plaira,
répondit Kersten le plus aimablement possible. Aujourd’hui même si cela vous
convient.
    Rendez-vous fut pris pour la soirée
dans la partie du bâtiment réservée aux services du chef de la Gestapo.
    L’un des premiers mouvements de
Heydrich, lorsqu’il vit Kersten dans son bureau, fut d’appuyer sur un bouton
dissimulé sous sa table. Le geste avait été si prompt et naturel, et le déclic
par lequel il fut suivi si feutré qu’un homme non averti n’aurait pu les
remarquer. Mais Kersten savait par Brandt que Heydrich usait et abusait du
microphone. Il dit avec bonhomie :
    — Cher monsieur Heydrich, si
vous désirez que nous parlions sans réticence, j’aimerais mieux vous inviter
chez moi à Hartzwalde.
    — Pourquoi ? répliqua
Heydrich. Nous pouvons aussi bien converser ici.
    — Oui, mais là-bas, c’est moi
qui pourrais appuyer sur le bouton, dit gaiement Kersten.
    Le chef de la Gestapo se montra beau
joueur. Il arrêta l’espion mécanique et dit en souriant :
    — Vous semblez très informé des
instruments d’écoute, Docteur, et très savant en politique.
    — Tous ceux qui ont à
fréquenter ce bâtiment doivent être préparés à l’usage du microphone, répondit
doucement Kersten. Mais, en politique, je n’ai à vrai dire aucune connaissance.
    — Ce serait très regrettable si
c’était exact… ce que je ne crois pas, dit Heydrich très doucement lui aussi.
    Son visage et ses yeux se figèrent
soudain. Il continua :
    — Vous soignez le Reichsführer
avec succès. Or, il arrive aux grands hommes, lorsqu’un docteur allège leurs
souffrances, de considérer ce médecin comme un sauveur et de prêter une oreille
favorable à toutes ses suggestions. Aussi aimerais-je vous savoir très bien
renseigné. Vous seriez alors en mesure de choisir en toute connaissance de
cause les opinions que vous faites partager au Reichsführer.
    Sans répondre, Kersten croisa les
mains sur son ventre et attendit la suite.
    Heydrich commença son approche de
loin.
    — Je pense, dit-il, que cela
vous intéresserait d’étudier les textes originaux – instructions,
rapports, etc… qui définissent l’esprit des S.S. et montrent leurs réussites.
    — Dans ce domaine, j’ai déjà
tous les éclaircissements nécessaires, dit Kersten. Mes lectures et mes
entretiens avec Himmler m’ont permis d’acquérir une impression personnelle très
nette.
    — Nous sommes donc plus avancés
que je ne l’avais cru, observa Heydrich. Mais je suis sûr que vous aimeriez
lire les rapports qui m’arrivent sur la situation en Hollande et en Finlande et
voir quelle est, là-bas, notre politique.
    Aussitôt Kersten pensa :
« Il sait que je reçois des renseignements de mes amis hollandais et
finlandais et que les changements apportés par Himmler à certains de ses plans
sont dus à mon intervention. »
    Rien dans le comportement de
Heydrich ne justifiait cette crainte. Sa voix avait été naturelle, presque
amicale, et ses yeux d’un bleu de gel ne livraient aucun de ses sentiments.
Mais la certitude subite de Kersten était faite d’une intuition qui, jusque-là,
ne l’avait jamais trompé aux moments essentiels. Il répondit sans
hésiter :
    — Je serai très heureux de lire
ces rapports. La Hollande et la Finlande sont les deux pays qui me sont les
plus

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