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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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n’a confiance qu’en moi !
Personne que moi ne peut s’en acquitter, je ne le permettrai à personne !
    La vanité exaspérée, implacable,
qu’exprima le visage de Himmler à cet instant rassura Kersten. Si jamais il lui
fallait abandonner son horrible tâche, Himmler irait jusqu’au meurtre pour
interdire à un rival de l’y remplacer.
     
    Quand Kersten revint chez lui, il ne
ressemblait en rien à l’homme rompu, défait, qui avait quitté ce même logis une
heure plus tôt.
    — J’aurai Himmler, je
l’aurai ! dit-il à Élisabeth Lube. Et il frottait ses mains l’une contre
l’autre, non pas en signe de réjouissance mais comme on fourbit des armes pour
un long combat.
    — J’ai du temps devant moi,
s’écria-t-il.
    Le délai que, la veille, il trouvait
dérisoire, lui semblait maintenant plus que suffisant.
     

6
    L’assurance du Kersten, d’autant plus
exaltée qu’il avait connu le fond du désespoir, fut de courte durée :
Himmler ne cédait point.
    Le docteur avait beau user de tous
les moyens qui lui avaient, jusque-là, si bien réussi – la prière amicale,
la menace de conséquences graves pour la santé du Reichsführer, l’appel à la
reconnaissance du malade, la flatterie – et employer ces moyens aux
instants les plus favorables, rien n’y faisait. « La déportation aura lieu
et au jour dit », répétait Himmler.
    Cette fois, il avait pour le
défendre contre l’influence de Kersten une autre influence et souveraine :
celle de Hitler, son maître, sa divinité.
    Kersten percevait presque
physiquement cette présence entre son patient et lui. Elle rendait ses efforts
inutiles. Chaque matin, jour après jour, il recommençait à raisonner, avertir,
supplier. En vain. Il avait l’impression de livrer combat, non à Himmler, mais
à l’ombre qui le couvrait.
    Et le temps passait. On approchait
de la fin de mars. La peau de chagrin se rétrécissait avec une vitesse
terrible. Kersten devinait, savait que se mettaient en place les ressorts et
les rouages de l’appareil fait pour arracher le peuple hollandais à sa terre et
le jeter sur une route atroce. Bientôt la machine infernale serait montée,
prête. Et tout serait fini.
    Alors, se produisit un phénomène
très étrange. Pour la première fois depuis des années, le traitement de Kersten
cessa d’agir sur Himmler. Les mains miraculeuses dont le contact avait eu tout
pouvoir sur ses souffrances furent incapables, soudain, de les guérir ou même
de les alléger.
    Était-ce voulu de la part de
Kersten ? Ou bien, comme il l’assure, l’obsession, l’angoisse où il vivait
sans répit, troublaient ses propres nerfs au point de paralyser ses dons et
rendre ses soins inefficaces ? Quoi qu’il en fût, consciemment ou non, les
mains de Kersten se refusaient à Himmler.
    Et comme la réorganisation de
l’armée des Waffen S.S. et les préparatifs pour la déportation des Hollandais
exigeaient un énorme effort et sans cesse accru, Himmler eut tout de suite très
mal. Et la douleur le tenailla davantage de jour en jour.
    Chaque matin, plus cireux et les
pommettes plus saillantes, trempé de sueur, il s’étendait sur son divan et
offrait sa chair, lacérée de l’intérieur, aux doigts de Kersten, avec une
espérance avide, effrénée. Il en avait tant de fois reçu apaisement qu’il
n’arrivait pas à croire qu’ils fussent tout à coup privés de leur magie.
L’exaspération, l’acuité de l’attente redoublaient son tourment. Et les mains
de Kersten se posaient aux endroits accoutumés et faisaient les mêmes gestes,
opéraient les mêmes pressions, les mêmes torsions. Les nerfs de Himmler se
crispaient de plus en plus, appelaient le miracle… Il allait, il devait enfin
venir. Arqué par la souffrance, le corps misérable priait, mendiait. En vain.
Les mains du docteur n’avaient plus la grâce.
    — Je vous avais prévenu, disait
Kersten. Vous ne pouvez pas mener de front ces deux labeurs écrasants :
décupler le nombre des S.S. et organiser la déportation de tout un peuple.
Votre système nerveux est à trop rude épreuve. Il ne m’obéit plus. Renoncez à
la mission la moins importante et je réponds de vous guérir.
    — Impossible, pleurait presque
Himmler, impossible, c’est un ordre de mon Führer.
    Un instant après, il
suppliait :
    — Essayez, essayez encore…
    — Je veux bien, disait Kersten.
Mais je sens que c’est inutile.
    Et c’était inutile.
     

7
    Dans les

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