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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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Junker, mal fait pour les
acrobaties, piquait à la verticale.
    En même temps, des réflexions
rapides, précises et réunies en grappes, comme les rafales des mitrailleuses
qui le poursuivaient, se succédaient dans l’esprit de Kersten.
    « Fini…, pensait-il. C’est
intéressant : en ce moment, le cerveau travaille encore. Comment prévenir
ma femme que je suis mort ? En tout cas, ma vie est terminée…»
    Un choc d’une telle violence secoua
l’avion qu’il vibra, craqua, grinça de l’hélice à la queue, comme s’il volait
en morceaux.
    « Voilà, je suis mort »,
se dit Kersten. Et, un instant, il crut vraiment avoir passé le grand seuil.
    Mais l’appareil cessa de trembler et
le pilote sortit de sa cabine.
    — Docteur, docteur !
cria-t-il. Nous avons eu une chance folle. Je ne sais pas comment j’ai réussi à
leur échapper en rase-mottes… Mais regardez ! Regardez !
    Le pilote montrait les impacts des
balles anglaises dans le fuselage. Son doigt s’arrêta sur deux rangées de trous
très régulières et qui encadraient exactement l’endroit où Kersten avait tenu
sa tête appuyée contre un hublot. C’étaient les traces de deux rafales. Le
mitrailleur avait tiré comme à l’exercice, avec la pause réglementaire d’une
seconde entre deux pressions sur la détente. Cette seconde avait sauvé Kersten.
    Le docteur comprit ce que
signifiaient les petits orifices placés juste autour de l’endroit où s’était
trouvé son visage. Il eut l’impression qu’il faisait soudain très chaud.
    Le pilote tira de la poche de sa
combinaison une gourde pleine de cognac et but avidement au goulot. Kersten
tendit une main vers la gourde et, pour la première et unique fois de sa vie,
avala une longue gorgée d’alcool. Il lui trouva un goût merveilleux.
    Le pilote examina son appareil. Rien
n’avait été touché dans les œuvres vives. Comme l’atterrissage s’était fait sur
une vaste prairie, le Junker put décoller aisément. Il rejoignit même le
terrain de Munich avec très peu de retard sur l’horaire prévu.
     

8
    Quand le Reichsführer apprit le
danger qu’avait couru Kersten, il montra l’émotion la plus vive. Puis il
dit :
    — C’est votre jour de chance,
cher Kersten. Ici, à Berchtesgaden, vous venez d’échapper à un danger d’une
autre nature, mais tout aussi grave. Le Führer m’a interrogé à votre sujet. On
vous avait dénoncé à lui – je ne sais pas encore qui, mais je le saurai,
soyez tranquille – comme un ennemi de l’Allemagne et comme un agent double
placé près de moi. J’ai, naturellement, répondu entièrement de votre loyauté et
cela, naturellement, a suffi.
    Kersten remercia Himmler, mais
celui-ci avait encore quelque chose à dire et qui, visiblement, le gênait. Il
toussota et poursuivit plus rapidement :
    — Alors Hitler m’a demandé si,
à mon avis, vos soins pouvaient lui convenir.
    Himmler toussa plus fort.
    — Eh bien ? demanda
Kersten.
    — J’ai répondu que non, que
vous étiez seulement spécialisé en rhumatismes, dit Himmler très vite. Vous
comprenez, le Führer ne doit pas savoir à quel point je suis malade. Il
n’aurait plus la même confiance en mes capacités.
    Cette réaction n’étonna pas Kersten.
Himmler cachait à tout le monde l’acuité de son mal. Seul, Brandt en était
informé.
    Vous pouvez être sûr, continua
Himmler, que tous ces ignobles arrivistes, Bormann, Goering, Ribbentrop,
Goebbels, se serviraient de mes souffrances contre moi.
    — C’est juste, dit Kersten.
    — Et vous pouvez être sûr
également, reprit Himmler, que Morrell et les autres docteurs du Führer vous
ruineraient très vite auprès de lui. Vous ne m’en voulez pas, je
l’espère ?
    — Oh non, s’écria Kersten du
fond du cœur [10] .
    Surtout, poursuivit Himmler, que
vous m’avez dit vous-mêmes ne rien pouvoir à…
    Il n’acheva pas la phrase, mais elle
était déjà assez explicite. Himmler songeait au rapport sur papier bleu qui
concernait la santé de Hitler et qu’il avait montré un jour de décembre au
docteur.
    — Vous comprenez ?
demanda-t-il.
    — Je comprends, dit Kersten.
    Ce fut entre eux la dernière
allusion faite au mal du Führer.
     

CHAPITRE X
Le grand dessein

1
    Au début de septembre 1943, le
gouvernement de Finlande fit demander à Kersten, par Kivimoki, son ambassadeur
à Berlin, de venir à Helsinki, pour y faire un rapport d’information générale.
    Himmler pouvait

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