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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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malaisément
s’opposer à cela. Kersten était à la fois Medizinälral et officier
finlandais. Le Reichsführer feignit même d’approuver le voyage.
    — Ainsi, vous pourrez peut-être
savoir, dit-il, pourquoi votre gouvernement ne nous a pas encore livré ses
Juifs…
    Kersten commença donc à se préparer
au départ. Mais alors il reçut une autre invitation et beaucoup plus
importante : Richart, l’ambassadeur de Suède, fit savoir au docteur que,
sur son chemin aérien pour Helsinki, s’il s’arrêtait à Stockholm, il y serait
le bienvenu. La halte, toutefois, devrait être assez longue, car des ministres
suédois voulaient avoir avec lui de nombreux entretiens confidentiels.
    Cette offre fit un peu, sur Kersten,
l’effet que produit l’alcool sur les hommes qui n’en ont pas l’habitude. La
tête lui tourna. Il ne pouvait pas croire au bonheur de passer quelques
semaines, en liberté, dans une capitale libre.
    Comment forcer Himmler à lui
permettre cette évasion ?
    D’abord, cela parut impossible au docteur.
Et puis, justifiant un vieux proverbe russe qu’il avait entendu dans son
enfance et qui disait « la misère est fertile en malices », il
trouva, aidé par son ami Kivimoki, un prétexte qui pouvait passer pour une
bonne raison.
    Après l’avoir étudié, assimilé,
tourné et retourné en tous sens au point de s’en être presque convaincu
lui-même, Kersten dit à Himmler :
    — J’ai reçu une grave nouvelle
de mon ambassade. Mon voyage à Helsinki sera sans retour : je dois être
mobilisé en Finlande.
    Ce n’était pas vrai, mais comme
Kersten avait souvent évoqué cette éventualité, Himmler le crut et s’écria,
pris de panique :
    — Pour rien au monde. Je ne
veux pas, je ne peux pas vous perdre.
    — Quand la mesure sera
officielle, dit Kersten, je ne vois pas comment je refuserai.
    — Il faut éviter cela, il le
faut, cria Himmler.
    — Il existe bien un moyen que
j’ai envisagé avec notre ambassadeur, dit Kersten pensivement.
    — Lequel ?
    — Voici, dit Kersten. La Suède
(et c’était la part véridique du prétexte) a hospitalisé de cinq à six mille
blessés finnois, mutilés, incurables, irrécupérables pour la guerre, parce que
la Finlande est trop pauvre en personnel et matériel médical pour s’occuper
d’eux comme il convient.
    — Et alors ? demanda
fébrilement Himmler.
    — Je pourrais, reprit Kersten
(et c’était la part mensongère), je pourrais sans doute avoir un long sursis
pour ma mobilisation, si vous me donniez deux mois pour soigner les blessés
finlandais en traitement dans les hôpitaux du Suède.
    — Deux mois ? Si
longtemps ! s’écria Himmler.
    — Préférez-vous, dit Kersten,
me voir mobilisé jusqu’à la fin des hostilités ?
    Himmler ne répondit point. Et comme
se prolongeait le silence, le souvenir d’un instant très pénible revint à la
mémoire de Kersten. Il demanda doucement :
    — Vous rappelez-vous,
Reichsführer, qu’en mai 1940, vous préparant à envahir la Hollande, vous m’avez
interdit de quitter Hartzwalde ? Et que j’ai parlé alors de m’adresser à
mon gouvernement ? Et que vous avez bien ri à cette idée et m’avez
répondu : « La Finlande ne nous déclarera pas la guerre à cause de
vous ? »
    — C’est possible, répondit
Himmler sans regarder Kersten.
    — Eh bien, reprit le docteur,
plus doucement encore, aujourd’hui, c’est à mon tour de vous dire :
« Si vous voulez me garder contre les ordres de mon gouvernement, déclarez
donc la guerre à la Finlande. »
    Cette conversation entre Himmler et
le docteur se déroulait, comme la plupart de leurs entretiens décisifs, au
cours d’une séance de traitement. Kersten vit s’affaisser les chétives épaules
de son malade.
    — La guerre à la
Finlande ? dit Himmler à mi-voix. Non. Plus maintenant… Notre situation
est devenue trop difficile.
    Himmler se tut. Mais n’était-ce pas
suffisant ? La fin de l’armée Rommel sur la côte africaine, la fin de
l’armée von Paulus dans la steppe glacée de Stalingrad, l’avance des armées
soviétiques pareille à une lame de fond qui prend sa lancée, les bombardiers
alliés chaque jour au-dessus des grandes villes allemandes par flottes de
centaines et centaines d’avions. Bref, un revirement complet et terrible en
trois années pour les desseins de Hitler – tout se trouvait inclus dans la
réponse de son Reichsführer, le « fidèle

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