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Les Mains du miracle

Les Mains du miracle

Titel: Les Mains du miracle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joseph Kessel
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paupière. Déshabillez-vous. Ce sera terminé dans
deux minutes.
    — Oh, je le sais bien, dit
Himmler.
    Les douleurs avaient disparu. Le
Reichsführer souriait aux anges.
    — Je n’ai même plus besoin de
vous appeler quand j’ai mal, dit-il d’une voix adoucie par l’émotion et la
gratitude. Votre amitié le devine.
    — Et pourtant, dit Kersten en
hochant la tête avec un soupir, et pourtant je traverse personnellement une
épreuve très difficile. Vous êtes le seul à pouvoir m’aider.
    — Une histoire de femme !
s’écria joyeusement Himmler.
    — Je le regrette, dit Kersten,
mais ce n’est pas une histoire de femme. J’ai entendu ce matin Seyss-Inquart
vous annoncer qu’une douzaine de Hollandais vont être arrêtés demain. Et, parmi
eux, Thurkow, mon grand ami, chez lequel je viens de dîner. C’est la raison qui
m’a empêché d’aller à la réception de Mussert. Vous devez comprendre, j’en suis
sûr, combien je suis désespéré. Au nom de notre vieille amitié, je vous en
supplie, annulez ces arrestations.
    — Est-ce que vous connaissez
aussi les autres suspects ? demanda Himmler.
    — La plupart sont mes amis, dit
Kersten.
    Sans qu’il en eût conscience, le
Reichsführer faisait bouger les verres de ses lunettes contre son front. Il
cria :
    — Ce sont des traîtres. Ils
entretiennent des relations criminelles avec Londres. De plus, je ne peux pas
rapporter des ordres qui viennent de Kaltenbrunner, mon bras droit à Berlin.
Seyss-Inquart, Rauter, leurs lieutenants, personne n’y comprendrait plus rien,
alors qu’ils font de leur mieux pour empêcher les Hollandais de nous poignarder
dans le dos.
    Une longue discussion alors
s’engagea où Himmler s’adressait à la logique du docteur et Kersten aux
sentiments du Reichsführer. Les arguments de Himmler étaient : police,
politique, guerre, raison d’État. Et Kersten répondit uniquement,
inlassablement : amitié. Il savait que sur le terrain des faits il ne
pouvait pas convaincre Himmler, car Himmler avait les faits pour lui. Il se
bornait à insister, prier, supplier au nom des sentiments que lui montrait
Himmler, qu’il lui avait toujours montrés.
    — Je comptais tellement sur
vous, j’avais si grande confiance dans votre amitié ! répétait Kersten
sans cesse.
    Peu à peu le va-et-vient des
lunettes sur le front du Reichsführer se ralentit, s’arrêta. Himmler poussa un
soupir de fatigue, se cala au creux du lit à colonnes, promena son regard sur
la chambre aux lambris dorés. Il faisait bon, il faisait chaud, son ventre
était sans souffrance.
    Il dit :
    — Oh, ça va bien, cher monsieur
Kersten. J’ai raison et vous le savez. Mais, après tout, nous n’allons pas nous
fâcher pour douze hommes. Non ? Ce serait trop bête. Tous les gens ici
sont des traîtres. Alors… douze de moins ou de plus… au fond, peu importe.
Entendu, je parlerai à Rauter demain matin.
    Kersten dit très doucement :
    — Demain, il sera trop tard. Je
vous aurais une reconnaissance infinie, si vous lui parliez tout de suite.
    — Rauter doit dormir, dit
Himmler.
    — Il se réveillera, dit
Kersten.
    Himmler haussa les épaules en
grommelant :
    — Vous devez toujours avoir le
dernier mot. Bon. Appelez Rauter.
    Le téléphone se trouvait assez loin
du lit où reposait le Reichsführer. Quand Kersten eut demandé la communication
et entendu la voix de Rauter, il dit :
    — Herr Obergruppenführer, le
Reichsführer vous parle. Himmler se leva, les pans de sa
longue chemise de nuit blanche battant ses mollets maigres, alla au téléphone
ni ordonna :
    — Que toutes les arrestations
prévues pour ce matin soient remises indéfiniment. J’en déciderai quand je
serai de retour à Berlin.
    Le téléphone était très sonore et
Kersten entendit. Rauter répondre :
    — Jawohl, jawohl, Reichsführer.
    Or, à ce moment, le général des
Waffen S.S. Godlob Berger était avec le chef de la Gestapo de Hollande. Quand
la conversation avec Himmler fut achevée, Rauter gronda furieusement :
    — Nous sommes tombés bien bas.
Voilà que le Reichsführer reçoit ses ordres d’un étranger. Ce Kersten est
dangereux. J’aimerais bien savoir qui se trouve derrière lui.
    — Vous n’êtes pas assez
intelligent pour le découvrir, dit tranquillement Berger qui détestait les gens
de la Gestapo. Kersten a le bras plus long que vous tous. Himmler ne vous
reçoit que sur demande officielle et en grand uniforme. Kersten,

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